Si l'appartenance partisane du chef de gouvernement ne devrait pas poser problème, l'attribution des autres portefeuilles, y compris ceux des ministères régaliens, risque fort de donner cours à des bras de fer homériques. L'annonce a été réservée à l'APS, le président Beji Caid Essebsi consacrera sa première visite officielle à Alger. «J'ai déjà déclaré pendant la campagne électorale que ma première visite officielle sera en Algérie. Je le confirme en tant que Président», a-t-il déclaré, en marge de la réunion du parti Nidaa Tounès, en mettant l'accent sur sa volonté d' «oeuvrer davantage à l'amélioration des relations algéro-tunisiennes». La réunion de Nidaa Tounès s'est tenue à l'heure d'un constat selon lequel la Tunisie n'est pas encore au bout de ses peines. Sitôt terminée l'élection présidentielle, se pose déjà la délicate question de la composition du nouveau gouvernement, consécration sine qua non de la démocratie participative et représentative d'un pays en quête de renouveau. Le souci d'une coalition va hanter durant plusieurs jours les leaders de Nidaa Tounès qui savent pertinemment que le défi majeur auquel ils vont être confrontés concerne cette formation d'une équipe gouvernementale soudée. Même si le parti de Caid Essebsi contrôle l'Assemblée des représentants du peuple et occupe le siège de sa présidence, il lui faut nécessairement s'appuyer sur les autres partis qui y siègent, afin de parvenir à obtenir les 140 sièges (deux tiers du Parlement qui en compte 217) indispensables aux décisions concernant les dossiers les plus importants. Pour cela, il leur faudrait ajouter aux 86 sièges de Nidaa Tounès 54 autres dont la quête se fera tout d'abord auprès de l'Union populaire libre (UPL) détentrice de 16 sièges, d'Afaq Tounès avec ses huit députés et El Moubadar dôtée de quatre sièges. Ces apports représentent une goutte d'eau dans l'océan des besoins puisqu'il sera encore nécessaire de rechercher une trentaine, au moins, de députés consensuels dont la plupart ne pourront alors venir que d'Ennahda! Voilà résumée toute la problématique de Nidaa Tounès et de Beji Caid Essebsi qui n'ont pas d' autre choix que de plaider pour un gouvernement ouvert à «toutes les sensibilités» - suivez les regards - et dans lequel les postes seront obligatoirement attribués au prorata du nombre de députés au sein de l'Assemblée des représentants du peuple. Une vraie gageure pour un président qui n'a pas cessé durant toute la campagne pour les législatives puis pour la présidentielle de fermer la porte aux multiples appels d'offres du parti islamiste et de son leader Ghannouchi. Que reste-t-il, désormais, des déclarations péremptoires et du cavalier seul de Caid Essebsi? Pratiquement rien, tant la nécessité d'un projet politique conforme aux aspirations des différentes formations conviées à un gouvernement consensuel est incontournable. Si l'appartenance partisane du chef dudit gouvernement ne devrait pas poser problème, car on voit mal Nidaa Tounès consentir à céder sur ce point, l'attribution des autres portefeuilles, y compris ceux des ministères régaliens, risque fort de donner cours à des bras de fer homériques tant les ambitions sont grandes et la méfiance aiguisée. Cette contrainte n'est pas sans intérêt pour le parti de Beji Caid Essebsi qui, en associant toutes les familles politiques à la gestion du pays, aura la garantie de partager les risques et les conséquences éventuelles d'un échec qu'on ne peut pas exclure au vu des dossiers cruciaux en souffrance depuis des mois, voire des années. Réunie hier pour examiner ces enjeux et trancher la question d'un partage des rôles, la direction de Nidaa Tounès maintient en apparence son refus d'un compromis avec Ennahda qui, de son côté, se donne jusqu'à dimanche prochain pour adopter une décision «unifiée», à l'heure où le candidat malheureux à l'élection présidentielle, Moncef Marzouki, annonce la création d'un parti anti-Essebsi, le Mouvement du peuple citoyen, chargé de «barrer la route au retour de la dictature». Délicat exercice que celui qui attend Nidaa Tounès et Caid Essebsi au cas où la recherche du consensus occulterait le parti islamiste et opterait pour un équilibre précaire qui condamnerait le président et le chef du gouvernement tunisiens à un jeu de funambules d'autant plus difficile que le pays, notamment au Sud, est toujours en proie à une fièvre islamiste tenace.