Le 24 décembre dernier cela fera 29 ans que Ferhat Abbas, l'une des figures politiques importantes de la période coloniale, nous quitta. Il a fallu attendre le 30 octobre 1984, pour que le président alors en exercice, Chadli Bendjedid, lui décerne la médaille du Résistant dans sa villa du quartier de Hussein Dey, reconnaissant ainsi son parcours de combattant de la première heure. Cette reconnaissance lui permettra de partir en paix avec l'Histoire et la mémoire, puisque Ferhat Abbas est mort à Alger le 24 décembre 1985 et enterré au Carré des martyrs du cimetière El Alia d'Alger, comme un grand révolutionnaire. Et pourtant, pour les observateurs politiques français qui le considéraient comme l'un des acteurs principaux pour l'indépendance du pays entre 1926 et 1962, Ferhat Abbas est parti discrètement après 1962. Leader nationaliste et homme d'Etat algérien incontestable. Il fonda l'Union démocratique du manifeste algérien (Udma), rallié au Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d'indépendance. Président du gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) de 1958 à 1961, il est élu président de l'Assemblée nationale constituante après l'indépendance, devenant ainsi le premier chef de l'Etat de la République algérienne démocratique et populaire. Etudiant en pharmacie à l'université d'Alger de 1924 à 1933, il est un membre actif de l'Amicale des étudiants musulmans d'Afrique du Nord (Aeman), dont il est vice-président en 1926-1927 et président de 1927 à 1931, date à laquelle il transforme l'Amicale en association. Il est également élu vice-président de l'Union nationale des étudiants de France (Unef) lors du congrès d'Alger en 1930. Ferhat Abbas est d'abord influencé par l'idéologie maurrassienne: il est ainsi le fondateur de L'Action algérienne, organe se réclamant du nationalisme intégral et se battant pour l'adoption de propositions concrètes. Au lendemain des émeutes de Sétif de mai 1945, tenu pour responsable avec Mohammed Bachir et Chérif Saâdane, il est arrêté et l'AML est dissoute. Libéré en 1946, Ferhat Abbas et son compagnon de cellule Chérif Saâdane également arrêté pour le massacre de Sétif fondent l'Union démocratique du manifeste algérien (Udma). En juin, le parti obtient 11 des 13 sièges du deuxième collège à la seconde Assemblée constituante et Ferhat Abbas est élu député de Sétif. Alors qu'il y annonce dès 1953 une rupture imminente et définitive, le Front de libération nationale (FLN) lance le 1er novembre 1954 les premières actions armées et marque le début de la «révolution algérienne». Il rejoint, d'abord, secrètement, en mai 1955 le FLN, après plusieurs rencontres avec Abane Ramdane et Amar Ouamrane, puis annonce publiquement son ralliement et la dissolution officielle de l'Udma lors d'une conférence de presse au Caire le 25 avril 1956. Dès le 20 août 1956, à l'issue du Congrès de la Soummam, il devient membre titulaire du Cnra (Conseil national de la révolution algérienne), puis entre au CCE (Comité de coordination et d'exécution) en 1957. Ferhat Abbas devient ensuite président du premier gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) à sa création le 19 septembre 1958, puis du second Gpra, élu par le Cnra en janvier 1960. En août 1961, considéré comme n'étant pas assez ferme face au gouvernement français, il est écarté du Gpra et remplacé par Benyoucef Benkhedda. À l'indépendance de l'Etat algérien, lors de la «crise de l'été 1962», opposant le Gpra de Benkhedda et le bureau politique du FLN, Ferhat Abbas rallie le 16 juillet les partisans de Ben Bella, tout en désapprouvant le principe de parti unique retenu par le programme du Congrès de Tripoli. Il succède à Abderrahmane Farès, président de l'Exécutif provisoire, et devient le président, élu par 155 voix contre 36 blancs ou nuls, de la première Assemblée nationale constituante (ANC) fixée le 20 septembre, faisant fonction de chef de l'Etat à titre provisoire. Le 25 septembre 1962, il proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire. Il quitte ses fonctions le 15 septembre 1963 à la suite de son profond désaccord avec la politique socialiste de l'Algérie dirigée par Ahmed Ben Bella, dénonçant «son aventurisme et son gauchisme effréné» qui l'exclura du FLN et l'emprisonnera à Adrar dans le Sahara la même année. Il est libéré en mai 1965, à la veille du coup d'Etat du 19 juin par Houari Boumediene. Retiré de la vie politique, mais toujours militant et fervent démocrate, il rédige avec Benyoucef Benkhedda, Hocine Lahouel, ex-secrétaire général du PPA-Mtld, et Mohamed Kheireddine, ex-membre du Cnra, en mars 1976, un «Appel au peuple algérien», réclamant des mesures urgentes de démocratisation et dénonçant «le pouvoir personnel» et la Charte nationale élaborée par Boumediene. Il est alors une nouvelle fois assigné à résidence jusqu'au 13 juin 1978. En 1980, il publie ses mémoires dans Autopsie d'une guerre puis, en 1984, dans L'Indépendance confisquée, virulente dénonciation de la corruption et de la bureaucratie, qui régnait en Algérie, engendrée par les régimes successifs de Ben Bella et Boumediene.