L'hôtel Chateauneuf, qui devait offrir à la ville d'Oran des capacités d'accueil hôtelières importantes, est resté au stade de carcasse. L' imposante masse en béton qui trône sur les hauteurs, rappelle au visiteur, l'énorme gâchis qui aura été ce projet qui n'arrive pas à être livré depuis son lancement durant les années 70. Le projet, qui avait nécessité une étude préalable menée par un bureau d'études français, est la propriété de l'EGT Sidi Fredj. Les travaux lancés à la hussarde, s'arrêteront quelques mois plus tard après la finition des gros oeuvres. L'ossature composée de 21 étages est restée depuis, à ce stade. L'hôtel Chateauneuf, qui devait doter la ville d'une infrastructure capable de rivaliser avec celle d'Alger et des autres cités méditerranéennes, est resté au stade du projet à cause d'un quiproquo administratif qui a fait capoter toutes les tentatives de reprise de travaux ou de cession à un opérateur économique. Plus de 6 milliards de centimes ont été consommés pour réaliser la carcasse et à ce jour, il faudra dépenser beaucoup plus pour penser reprendre les travaux et livrer l'hôtel où sont prévues une trentaine de suites et environ 600 chambres haut standing. Le responsable d'un bureau d'études, qui avait soumissionné pour l'étude de la faisabilité de l'hôtel, se montrera très critiqué. Il accusera même ceux qui avaient porté leur choix sur le bureau français qui avait réalisé l'étude et mettra en doute les conclusions de ses travaux. «Le terrain sur lequel a été érigé l'hôtel constitue l'assiette du site du palais du Bey. Il est, de ce fait, protégé par la loi. Or, les responsable de l'époque avaient ignoré cette donnée, ce qui empêche aujourd'hui l'achèvement. La subdivision d'archéologie, qui gère le palais du Bey, a réussi à faire arrêter les travaux depuis le début des années 80 et toutes les tentatives de reprise ont buté sur des impondérables techniques», dira notre interlocuteur. Les différents rounds de négociations qui avaient réuni la subdivision d'archéologie au maître de l'ouvrage et aux représentants du gouvernement à l'époque (durant le mandat de Hamrouche puis feu Kasdi Merbah), n'ont pas réussi à lever les réserves émises de part et d'autre. Déjà à l'époque, la subdivision d'archéologie avait interdit tous travaux de fouille sur le site qui abrite des catafalques, rattachés au palais du Bey et datant de la période ottomane. Lors de la visite d'un ministre du Tourisme en 1995, une réunion de travail avait regroupé les parties du litige. La subdivision d'archéologie avait, dans un souci d'ouverture, proposé des aménagements dans le projet initial. C'est ainsi qu'elle avait proposé la suppression du projet de la piscine, du parking souterrain et du transfert de l'entrée principale vers la promenade de l'étang au lieu du caravansérail du palais du Bey. Ces propositions coïncidaient avec l'ouverture du secteur du tourisme au capital privé et la privatisation de certaines infrastructures hôtelières. Ces aménagements devaient permettre au futur acquéreur de reprendre les travaux et l'exploitation future de l'hôtel. La vente aux enchères publiques de l'hôtel devenait l'ultime solution pour sauver le projet à l'abandon. Les différentes tentatives de trouver un acheteur ont buté sur les impondérables techniques soulevées par la subdivision d'archéologie. Si pour le parking, les courts de tennis ou encore la piscine, la solution proposée était acceptée, l'accès à l'hôtel continuait à poser problème. Envisager un accès par la promenade de l'étang était trop onéreux et nécessitait de gros travaux en plus du déménagement de plusieurs administrations implantées dans le secteur. Les séances d'ouverture des plis des éventuels acquéreurs, organisées à plusieurs reprises n'ont pas abouti. Il y eut des promoteurs privés qui se sont intéressés au projet, parmi lesquels des Bahreïnis et des Koweïtiens, mais ils ont été rebutés par la mise à prix jugée excessive et par les problèmes qui continuaient de peser sur le projet. A ce jour, c'est le statu quo et l'hôtel Chateauneuf continue, la tête brûlée par le soleil, d'offrir le spectacle d'un grand gâchis qui risque de perdurer. Oran, qui aura bientôt son hôtel Sheraton, s'est détourné depuis des lustres de cette masse de béton qui continue à narguer tous les visiteurs de la ville.