La passivité des institutions locales face à ce trafic est criante. Le terrorisme «vaincu», les incendies de forêts en grande partie, éteints, c'est à la mafia du bois, actuellement, de faire autorité dans les hautes plaines fortement boisées d'Aïn Defla. Car, si le sujet reste, jusqu'ici, tabou dans cette grande ville de la haute plaine du Cheliff, la levée de boucliers, quoique tardive, a été, timidement, provoquée non seulement par les riverains des zones forestières mais aussi par certains éléments de la direction locale des forêts, qui, eux, dénoncent, la passivité voire, dans certains cas, la complicité d'institutions locales avec les trafiquants du bois dont l'ampleur du délit va crescendo. Plus au fait du fléau maffieux dont seraient coupables les habitants de la localité, l'un des responsables de l'institution de la protection forestière que nous avons interrogé à ce propos, affirme, sous le couvert de l'anonymat, que ce qu'on appelle, dans cette contrée, la mafia du bois, sévit à grande échelle dans les monts du Zaccar et du Dahra et se livre, sans retenue aucune, à des pillages à tout- va qui menacent d'extinction la richesse botanique des forêts et mettent en péril l'existence de nombreuses espèces dont le pin d'Alep couvrant une superficie estimée à 130.000 ha. D'après notre interlocuteur, les diverses bandes de malfrats qui dévastent, depuis de nombreuses années, les forêts de la région, seraient les principaux fournisseurs, en matière première, des rôtisseurs de la région est-algéroise, ceux d'El Harrach plus précisément. Les prix très bas proposés à ces derniers ont, a reconnu le garde forestier, fait que ce commerce illicite a pris des proportions alarmantes sans que les autorités locales daignent lever le petit doigt pour sauver la richesse forestière, fierté de la région. D'autres, plus cupides encore, n'ont pas fait mieux que de fournir, à des prix défiant toute concurrence, la matière volée aux ateliers de menuiserie qui se trouvent à l'intérieur comme à l'extérieur de la ville. Les affaires seraient, selon notre interlocuteur, florissantes et se chiffreraient, très souvent, à des centaines de millions. Pour accomplir leur sale besogne, les trafiquants, sans se faire repérer, ont mis en place toute une stratégie qui n'a pas, pour autant, trompé l'attention des éléments de la Direction des forêts. Ainsi, pour tromper la vigilance des barrages routiers des services de sécurité postés, de temps à autre, aux alentours des forêts, les trafiquants activent le plus souvent tard dans la soirée, jusqu'aux premières lueurs de l'aube: «La nuit, il y a moins de barrages sécuritaires. Les randonnées que nous effectuons régulièrement ne sont pas suffisantes car nous manquons de véhicules», confie notre source qui se dit, néanmoins, étonnée par les moyens matériels et humains «importants» mis en oeuvre par les malfrats. «Pour nous échapper, les personnes qui leur servent de vigiles épient, notre mouvement. Ce sont eux, à l'aide de téléphones cellulaires, qui leur donnent le feu vert pour investir les forêts», poursuit notre interlocuteur, qui, dénonce, sans aucune autre précision, la « complicité » de certains éléments de la garde communale qui auraient été, d'après lui, «achetés» à coup de liasses de dinars. D'où la toile d'araignée autour de ce vaste réseau de trafic de bois. Tout cela se passe, au moment où les quelques terroristes qui continuent, à ce jour, à écumer les monts du Zaccar et de l' Ouarsenis, sont traqués sans relâche. La wilaya d'Aïn Defla, grenier de la pomme de terre, s'est transformée, de ce fait, en fief où les «barons» du bois règnent en maîtres des lieux. Du coup, ce sont, les citoyens de la ville seuls, qui en seront à leur frais. Il est temps, estime notre interlocuteur, que les pouvoirs publics, par la voie de leurs représentants locaux, à tous les niveaux, prennent leurs responsabilités pour venir à bout de ce trafic. Pour ce faire, une stratégie de lutte à laquelle prendront part, outre les citoyens de la région, l'ensemble des institutions concernées, doit être envisagée.