Il est des artistes mordus dès leur plus jeune âge de musique chaâbie. Abdeslam Derouache en est l'exemple vivant... En effet, issu d'une famille mélomane et né à Hussein Dey le 5 décembre 1955, Abdeslam est tombé pour ainsi dire, dès sa prime enfance dans la marmite du chaâbi. A 6 ans, il confectionna lui-même son 1er instrument à l'aide de bidons grâce auxquels il fera ses premiers pas en tant que musicien à la maison. En imitant Dahmane El-Harrachi et en reprenant son répertoire, ce dernier sera sans aucun doute la révélation pour ce jeune garçon pour qui la musique est une véritable vocation. «Ma mère se souvient qu'à l'âge de 4 ans, je «collais» le poste contre mon oreille pour l'écouter...» Le père d'Abdeslam a vite fait de comprendre le penchant de son fils pour la musique puisque, à 9 ans, il lui achèta trois guitares. «C'est ainsi que j'ai commencé à m'initier aux morceaux de Dahmane El-Harrachi. J'aimais beaucoup ses airs musicaux qui sont empreints de notes de mandole et de banjo», souligne Abdeslem. «Et à 11 ans, mon père m'offrit un mondole». A l'époque, en 1966, il y avait une émission qui passait à la télé et à laquelle participaient un bon nombre de musiciens de musique chaâbie et moderne à l'image de Mohamed Driassa, Lamari, Noura, Seloua, Hadj Menouar... Elle s'appelait Djinet El Atfal. «J'ai été repéré et contacté par son animateur, directeur et concepteur Zoheir Abdelatif. Ce dernier fut très satisfait et impressionné par mes prestations en interprétant à la télé et en direct les chansons de Dahmane El-Harrachi». Et c'est la reprise de Bahdja ani baâtlek marsoul qui révèlera notre artiste et le fera mieux connaître aux yeux du public. C'est aussi Ya taws ya nour Ainnya un morceau qu'il a écrit et composé lui-même et joué devant feu Boumediène. En 67, pourvu d'une certaine notoriété, il se lie d'amitié avec un ami de son père. Il s'agit de Amar Ezzahi. C'était le second artiste grâce auquel il parvient à parfaire ses connaissances en matière de chaâbi. Aussi, en 1969, il ira à la bonne école et entre au Conservatoire municipal d'Alger qui était dirigé à l'époque par Mahieddine Bachtarzi. Il suivra des cours de musique chaâbie sous la direction de l'éminent maître de chaâbie, Hadj Mohamed El-Anka et prend également des cours de solfège chez Boudjemaâ Fergani. L'année 69 fut pour Abdeslam, celle de la consécration puisque des titres comme Yema yema, Mouhal nensa kheir el oualdine et ya falestine ya nour aynia connaîtront un franc succès. Les études entreprises sans interruption de 1969 à 1978, lui firent obtenir des diplômes et plusieurs prix «arrachés à l'unanimité». Bien nourris au répertoire de ses grands maîtres, son père spirituel El-Anka et Amar Ezzahi et fort de ce legs musical hérité de ses aînés, Hakim Bel Atia, le successeur de Bachtarzi à la tête du conservatoire municipal, lui proposa le poste d'enseignant en solfège en 1980. Et une année après, c'est Abdelouahab Selim, chef d'orchestre et directeur du conservatoire, qui lui proposa de prendre en charge les classes de chaâbi. «Chose que j'ai acceptée avec plaisir et j'ai occupé ce poste en 1985». Interprète, musicien, auteur et compositeur de talent, Abdeslam Derrouach retournera désormais à la télé en participant à plus de 10 enregistrements télé et 14 émissions radiophoniques. A ce jour, l'artiste compte plus de 45 oeuvres musicales, toutes déclarées à l'Onda. Après s'être éclipsé de la scène artistique durant quelques années, il revient en 97 à l'invitation du Comité des fêtes d'Alger qui organisa, cette année-là, un vibrant hommage à El-Anka à l'occasion du 19e anniversaire de sa mort. A cette manifestation culturelle, ont pris part certains anciens élèves d'El-Anka «mes amis et compagnons de route dans la voie artistique du chaâbi, à l'image de Hssissin Saâdi, Cherchem Abedelkadern, Mohamed Boudjemaâ El Ankis...», fait remarquer Abdeslam. Suite à cette participation qui lui a valu un diplôme d'honneur et surtout lui a insufflé vitalité, l'artiste revient sur scène en animant des fêtes, dont le dernier festival national de musique andalouse et chaâbi qui s'est déroulé récemment à Mascara. Durant le mois de ramadan, il animera plusieurs soirées à l'initiative de l'établissement Arts et culture. Aujourd'hui, professeur de musique chaâbie et de solfège, et ce, depuis 1998 au conservatoire de Kouba, annexe du conservatoire central d'Alger, Abdeslam Derrouache tend à inculquer comme ses maîtres, son modeste savoir à des disciples en quête d'apprentissage technique du chaâbi et notamment du jeu instrumental... Cet amoureux-né du chaâbi et d'El-Anka ne cache pas sa passion pour cet homme: «Modeste qu'il était, un homme d'une forte mémoire, il incarnait la bonté et la générosité. C'était comme un père pour moi. Ce que j'ai appris de lui, je ne l'oublierai jamais», confie l'artiste.