44 chefs d'Etat ont participé à la marche républicaine, au lendemain de l'attaque contre Charlie Hebdo. Ainsi parla cette manifestation de courants disparates qui a, depuis, engendré des crises graves et qui est désormais ressentie comme une injustice, une de plus, par beaucoup de citoyens du monde musulman. La peur s'est effectivement répandue comme un vent mauvais, balayant des terres où les communautés musulmanes, chrétiennes et judaïques vivaient en paix. Le silence assourdissant des pays d'origine L'injure faite au prophète Mohammed (Saws) a généré des colères aveugles dans certains pays comme le Niger, le Pakistan et quelques autres, au point que des églises ont été brûlées et des symboles de culture et de communion entre les peuples saccagés. L'excuse est vite dite, comment répliquer à des journalistes athées qui n'ont cure des convictions profondes des fidèles de quelque religion que ce soit - l'opium du peuple - et comment renvoyer leur message aux partisans de Charlie Hebdo, sinon en s'attaquant à leurs supposés symboles? Disons-le de suite, ce sont des actes condamnables, quelles que soient leurs justifications. 1,7 milliard de musulmans dans le monde n'ont pas d'autre choix que de vivre en paix et de coopérer avec les 6 milliards «restants», avec leur foi, leur culture et leur économie. L'islam n'est-il pas cette religion de paix et de tolérance qui avance, dans les coeurs comme dans les esprits, sans violence aucune, et avec la seule force de ses vérités? En agressant des lieux et des êtres qui ne sont en rien coupables des actes éminemment politiques et fort peu religieux de leurs pays respectifs, que ce soit les crimes quotidiens et abjects en Palestine ou les bombardements aveugles des populations irakienne, syrienne, libyenne, afghane et autres, toutes avec la particularité d'être musulmanes, ne donne-t-on pas de la consistance aux forces occultes qui chantent le temps du choc des civilisations et qui se font les porte-étendards d'un nouveau colonialisme, convoitant, encore et toujours, les richesses de ces peuples martyrs? Il faut mesurer l'état des forces et réagir en conséquence. Des pays comme la France et, à un degré moindre l'Allemagne, sont entraînés, de gré ou de force, dans le sillage des puissances qui entendent maintenir leur mainmise sur les ressources et dicter leur loi à des Etats qui n'ont d'autre alternative que de s'incliner bien bas ou d'être laminés. Aussi, les pays qui ont une histoire commune avec ces deux puissances occidentales, la grande majorité des Etats africains, avec des communautés qui appartiennent aux deux rives et constituent, en théorie hélas, un trait d'union entre les peuples, ces pays ont tout intérêt à faire profil bas et à prôner une stratégie de la soumission. Accusateurs et calomniateurs C'est ce qui apparaît, dans une conjoncture où des enfants de 8 et 9 ans sont traînés dans les commissariats de police, pour y répondre de l'accusation d'apologie du terrorisme parce qu'ils ont osé murmurer «Allah akbar». Et qui sont les accusateurs, pardon les calomniateurs? Un directeur d'école, une mère d'un autre élève, zélée et convaincue par la seule confidence de son enfant, bref des monsieur et madame Tout-le-Monde, imbus des idées du Front national et des discours qui font les valeurs actuelles d'une pauvre France, en proie à toutes sortes de doutes et à des manipulations insidieuses qui rongent son corps social. Amnesty International aura, en vain, mis en garde les autorités françaises contre l'abus de condamnation pour des «infractions définies de manière vague, comme l'apologie du terrorisme», risquant de criminaliser des propos ou diverses formes d'expression qui «ne vont pas jusqu'à constituer une incitation à la violence ou à la discrimination». Mais a-t-elle pensé un seul instant que des enfants puissent en être victimes! Le plus étrange dans tout cela, c'est bien le silence assourdissant des pays d'origine qui ne disent mot, ni directement ni à travers leurs représentations diplomatiques, laissant le soin aux associations locales de moindre envergure de tenter de dénoncer les amalgames, et maintenant les graves dérapages, qui ciblent, ouvertement et honteusement, les communautés musulmanes, dont la plus sujette à vindicte reste toujours - ah la nostalgie des Le Pen et consorts - la communauté algérienne. Alors, les beaux discours sur un «partenariat d'exception», sur «une nouvelle page dans l'histoire commune» des deux pays, sur «les liens privilégiés historiques, culturels et géographiques» entre les deux peuples servent uniquement à puiser à satiété dans la manne pétrolière d'un pays qui n'a plus les hommes d'antan pour jeter, de temps à autre, un pavé dans la mare de Marianne. Fort heureusement, il existe encore des hommes de bonne volonté, au pays de Rousseau, pour parler vrai et rompre avec la monotonie du discours qui veut qu'une seule communauté peut légitimement prétendre au martyr.