Touche pas à mon lait! On estime à plus de 150.000 dinars le taux plancher pour une rémunération susceptible de permettre à une famille algérienne de se passer des subventions publiques couvrant les produits de première nécessité. L'Algérie déboursera en 2015, quelque 60 milliards de dollars en subventions. Cela représente 30% du PIB. Les produits concernés par ces dépenses sont le sucre, l'huile, la semoule, le lait et les carburants. La chute des prix du pétrole a remis sur le tapis la politique du gouvernement qui s'appuie un peu trop sur les transferts sociaux, pour dit-on, s'assurer la paix civile. Si dans un passé récent, la question se posait en termes de mauvaise gestion économique, de tendance au gaspillage et autre comportement paternaliste des pouvoirs publics en direction de la société, la nouvelle donne du marché pétrolier mondial a imposé d'autres interrogations orientées surtout dans le sens de la capacité du gouvernement à supporter la charge financière d'un engagement pris en direction de toute la société. Pour faire face à cette situation, plusieurs scénarios ont été «imaginés» par quelques membres du gouvernement, ainsi que par de nombreux experts. Si dans l'Exécutif Sellal, on parle de rationalisation de la dépense publique, d'autres acteurs politiques et économiques n'ont pas tardé à pointer du doigt quelques facettes des transferts sociaux et préconisé un meilleur ciblage de l'aide publique en direction de la société. Dans cet ordre d'idées, l'on a souligné la nécessité de faire profiter les couches sociales défavorisées des subventions de toutes natures. Le propos est, on ne peut plus simple en apparence, il s'agirait de faire payer le prix réel du pain, du sucre et du lait aux catégories les plus aisées de la société et réserver l'intervention des pouvoirs publics aux plus démunies. Le travailleur algérien est pauvre Cette démarche suppose l'établissement d'un fichier national des personnes «économiquement fragiles», ainsi que la mise en place de toute une mécanique administrative assez complexe. Il faut dire que pareil dispositif pourrait coûter plus cher que les subventions, sachant que le schéma salarial algérien est assez bas pour en exclure de la subvention une bonne partie de la société. Et pour cause, les chiffres de l'ONS positionnent le revenu moyen d'un travailleur algérien autour de 40.000 dinars. Ce niveau de rémunération place le gros de la société au rang des pauvres si l'on s'amusait à convertir ce revenu en euros, à peine plus de 300 euros. Il faut dire que si une partie des Algériens parvient à maintenir la tête hors de l'eau, c'est précisément grâce aux subventions de l'Etat qui lui procurent un relatif pouvoir d'achat. Les associations de consommateurs, pour leur part, n'hésitent pas à fixer à plus de 80.000 dinars le seuil salarial, subventions comprises, pour une famille de cinq personnes, au vu de l'inflation que connaissent les produits de large consommation. Considérant cela, on estime à plus de 150.000 dinars le taux plancher pour une rémunération susceptible de permettre à une famille algérienne de se passer des subventions publiques couvrant les produits de première nécessité, constatent les animateurs des associations de consommateurs. Ces derniers soulignent par ailleurs qu'un tel niveau de rentrée financière, équivalent à moins de 1200 euros, ne saurait résister aux fluctuations de certains produits sur le marché international. Ce constat, basé sur plusieurs études réalisées par les acteurs de la société civile, réduit à une portion congrue la catégorie d'Algériens susceptibles de ne pas être fragilisée par une disparition des subventions sur les produits de première nécessité. L'Algérien, ce grand mystère Ceci pour dire que la «rationalisation» ne peut en aucun cas prendre le chemin d'une réduction ou simplement une suppression des subventions. Pareille démarche créerait une situation d'appauvrissement généralisé de toute la société et conduirait à un état de délabrement social tel que les émeutes du sucre et de l'huile de janvier 2011 passeraient pour un «chahut de gamins». Les économies sont plutôt dans une meilleure régulation des importations de certains produits de luxe, à l'image des véhicules haut de gamme qui continuent à «inonder» le marché national, malgré les clignotants économiques qui passent au rouge. Il faut savoir à ce propos que, malgré une baisse des importations de véhicules entre 2013 et 2014, la facture des importations demeure extrêmement lourde, de l'ordre de 6, 3 milliards de dollars. Cela dit, on ne peut pas jeter la pierre qu'aux grosses fortunes, puisque ce montant correspond à près de 440.000 véhicules achetés par des Algériens. Dans le lot des nouveaux acquéreurs de ces véhicules, l'on trouve certainement des pères de familles dont les salaires n'excèdent pas les 60.000 dinars. La question qui se pose est de savoir comment peut-on avoir l'un des niveaux de salariat le plus bas de la région Mena et s'offrir le deuxième plus grand marché d'automobile du continent noir après l'Afrique du Sud. Beaucoup diront que l'argent de la subvention va dans l'achat de véhicules. Ce serait top simple de tirer ce genre de conclusions. D'où la complexité de l'Algérien.