La précarité sociale s'empare de la majorité des salariés tant dans le secteur économique privé, public que dans l'administration. Beaucoup d'Algériens ne gagnent qu'entre 15 000 et 35 000 DA mensuels. La paupérisation n'épargne pas les cadres dont le bulletin de paie de la majorité d'entre eux ne dépasse rarement les 40 000 DA par mois. Ces faibles rémunérations précipitent dans la pauvreté des milliers de salariés et leurs familles. Beaucoup d'Algériens(ne)s ont vu leur pouvoir d'achat éroder de façon continue, ces dernières années. Les salariés sont, aujourd'hui, convaincus de ne pas tirer profit ni de la richesse du pays ni encore moins de leurs efforts au travail. Les récents rattrapages effectués sur les salaires visant à calmer les mouvements sociaux n'ont pas permis de faire sortir beaucoup de salariés de la misère. Travailler n'est désormais plus une condition suffisante pour épargner aux ménages la pauvreté. Le travail ne garantit plus rien en Algérie. Et dans de nombreux cas, il ne s'agit ni de marginaux ni de chômeurs, mais d'hommes et de femmes qui, bien que travaillant, n'ont plus les moyens de garantir un toit et de nourrir convenablement leurs enfants. La plupart improvisent des solutions temporaires, parce que l'Etat n'assure même pas le minimum vital. Un SNMG à 18 000 DA n'assure aucune dignité. Le gouvernement multiplie les annonces pour tenter d'apaiser les tensions sociales. Une série de mesures pansements sont annoncées se déclinant en des rattrapages insuffisants sur les salaires et un soutien des prix pour les paniers des produits alimentaires de base. Même en injectant un peu d'argent dans le porte-monnaie bien plat des ménages, ces derniers n'arrivent pas à faire face aux dépenses qui s'alourdissent chaque mois. Le pouvoir d'achat à rude épreuve Même si les prix de l'électricité, du gaz, des carburants, du pain et des céréales, du lait, du sucre et de l'huile sont, entre autres, soutenus, les subventions ne sont pas justes car profitant aussi bien aux riches qu'aux pauvres. Le ministre du Commerce, admet enfin, la nécessité d'instaurer une allocation qui ne ciblerait que les nécessiteux au lieu et place d'un gaspillage de l'argent public dans d'inéquitables subventions. Beaucoup de produits de consommation de base qui ne sont pas subventionnés sont affectés par l'envolée des prix : loyer, une large gamme de produits alimentaires, lessive… la liste est longue. L'Office national des statistiques (ONS) avance un taux d'inflation moyen de 3,5%, annuel sur la dernière décennie. Dans la réalité, il y a un décalage entre les chiffres de l'ONS sur l'évolution du pouvoir d'achat et ce que les Algériens vivent réellement. L'inflation est en partie importée, résultant de la flambée des matières premières sur les marchés internationaux. En partie seulement. Autre facteur qui dope l'inflation : la corruption génère des grandes sommes d'argent à une minorité qui recourt au blanchiment d'argent mal acquis par des placements dans l'immobilier. Résultat : l'appauvrissement ronge le petit salariat qui constitue la majorité de la population algérienne. Un logement qui valait 3 millions de dinars, il y a trois ans, coûte actuellement, au bas mot, près 8 millions de dinars, soit une hausse de 266%. Les aides proposées par l'Etat, pour l'accès au logement comme dans l'alimentation, sont très en deçà des besoins : le pourcentage de ceux qui ont accès à un logement social est insignifiant. Un constat : le système de prélèvement fiscal ponctionne en priorité le travail, puis la consommation, très peu la richesse et encore moins les rentiers et spéculateurs. «Il faut inverser cette hiérarchie en mettant en place un système fiscal qui permettra d'abaisser les charges salariales et d'augmenter durablement les salaires», préconise M. Bendahmane, économiste. «La réduction du coût du travail permettrait aux entreprises de gagner en compétitivité par rapport aux importations, d'embaucher et, à terme, d'augmenter les salaires. Il faut alléger les charges en échange d'une taxe additionnelle sur la consommation des produits importés et supprimer les taxes sur les biens produits en Algérie», plaide pour sa part un chef d'entreprise de l'agroalimentaire implantée à Akbou. «La seule solution pour augmenter massivement les salaires, est de baisser les charges sociales et de redistribuer aux salariés les économies ainsi générées. En contrepartie, une hausse de la TVA et de la fiscalité sur les successions et taxes foncières permettrait de financer les dépenses sociales», estime M. Bendahmane.