Un enterrement à la hauteur et à la grandeur de Roger Hanin C'est un geste magnifique de paix et de fraternité. Son attachement était grand et immense pour sa terre algérienne, commentait Alexandre Arcady qui a salué l'accueil magnifique des Algériens pour la dernière demeure de Roger Hanin. C'est un vendredi 13, le ciel est gris, une pluie fine s'abat sur la route qui nous mène vers Bologhine, ex- Saint-Eugène. Il est 10h30, dès notre arrivée, on remarque un important cordon de sécurité et des dizaines de sapeurs pompiers en tenue officielles en face du gigantesque cimetière judéo-chrétien en contre-bas de l'église du Sacré Coeur. Ce n'est pas un jour de match mais un jour d'enterrement d'une personnalité connue et respectée que les Algériens s'apprêtaient à vivre. Une quarantaine de journalistes, caméramans et photographes, sont déjà sur place pour guetter l'arrivée du cortège de la dépouille mortelle de l'acteur français Roger Hanin, mort mercredi à Paris, à l'âge de 89 ans. Une vingtaine de personnes étaient présentes, dont des proches comme le réalisateur Alexandre Arcady, l'ambassadeur de France en Algérie Bernard Emié, mais aussi des officiels comme le wali d'Alger Abdelkader Zoukh, la ministre de la Culture Nadia Labidi, le président du Cnes, Mohammed-Seghir Babès, le DG de l'Entv Tewfik Khelladi ou encore le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, Farouk Ksentini. La dépouille de l'acteur était arrivée peu avant à bord du vol régulier AH 1009 de la compagnie Air Algérie en provenance de Paris. Le cercueil a été transféré rapidement vers le lieu de l'enterrement, au cimetière où il a été accueilli par une haie d'honneur de la Protection civile. Roger Hanin y a été inhumé, selon ses voeux, à côté de la tombe de son père. Un dispositif discret de sécurité a été déployé autour du cimetière, empêchant les médias de filmer ou de prendre des photos de la cérémonie religieuse et très intime, selon le voeu de la famille. Aucun journaliste n'a pu pénétrer à l'intérieur du cimetière. Mais grâce à l'aide du réalisateur Alexandre Arcady, nous avons été les seuls représentants de la presse à être autorisés avec le réalisateur Bachir Derrais, ami des deux réalisateurs français à assister à l'enterrement. Aucune caméra n'a pu pénétrer dans le cimetière. Même la journaliste de France 2, qui avait pourtant été autorisée par Arcady, n'a pu faire entrer son cameraman. A l'intérieur du cimetière, le corps de Roger Hanin enveloppé du linceul propre à la tradition juive, les takhrikhin, était porté par des éléments de la Protection civile, comme pour marquer cette union dans la douleur entre l'Algérie et la famille de l'artiste. La dépouille de Roger Hanin, accompagnée d'un rabbin Serge Benhaïm, président de la synagogue Don Isaac Abravanel, qui récitait des extraits de la Torah en Yeddish a été dirigée ensuite vers le carré juif où sont enterrés des générations de juifs d'Algérie, parmi les familles les plus connues, on retiendra les Cohen, les Azoulay, encore les Stora ou les Bacry. Dans son message, le rabbin a tenu à remercier les autorités algériennes: Pour être moi aussi né dans ce pays qu'est l'Algérie, je sais qu'ici, sur cette terre, le mot fidélité s'écrit et se prononce comme partout ailleurs, mais se vit, ici, autrement, sincèrement, et intensément. Permettez-moi d'adresser en votre nom, en mon nom, au nom du Consistoire, tous mes remerciements à toutes les autorités qui ont rendu ce voyage possible. La famille Hanin conduite par la fille du comédien, Isabelle, et ses jeunes hommes était très émue de tous les efforts déployés par les autorités algériennes pour que le voeu du défunt soit exaucé. La cérémonie religieuse s'est déroulée dans le stricte respect de la famille et de la religion juive. Les officiels et les dizaines de la sécurité étaient à l'écart. A la fin de la cérémonie, la famille a invité les officiels algériens à s'approcher pour jeter un dernier regard au défunt. Lors de la sortie de la famille du défunt du cimetière, une cinquantaine de journalistes était dans l'attente, mais aussi beaucoup de citoyens algériens, fans du commissaire Navarro, mais aussi admirateurs du personnage engagé, comme le réalisateur Ghaouti Bendeddouche, le comédien Rabah Lechaâ ou encore le libraire Sid Ali Sakhri. Dans la foulée, une femme algérienne, qui était noyée dans la mare des journalistes, a lancé un youyou, (symbole de fierté pour un défunt) ce qui a ému la fille de Roger Hanin et ses petits-enfants que se sont retournés en remerciant de vive voix la dame. A ce moment- là, une standing ovation s'est déclenchée, renforçant ainsi le lien entre les Algériens et la famille de Roger Hanin qui, dans cet univers de haine communautaire qui gangrène la France ces derniers mois, a pris conscience de sa grande place en Algérie. A ce moment-là, Alexandre Arcady, le réalisateur très proche des artistes et des médias algériens et représentant de la communauté pied-noirs France, s'est porté volontaire pour être le porte-parole de la famille Hanin et transmettre ses remerciements aux Algériens. «C'est un geste magnifique de paix et de fraternité. Son attachement était grand et immense pour sa terre algérienne. Nous sommes tous les deux natifs de cette terre. Je suis sûr que les Algériens vont l'honorer, vont lui rendre visite, vont l'entourer. Je remercie la ministre de la Culture comme je remercie le président de la République pour leur soutien et leur aide. Roger Hanin était tellement imprégné de cette Algérie natale, que chaque jour je pense à la couleur de l'émotion et la ferveur, c'était son dernier voeu d'être enterré ici à Alger. Et même le ciel pleure son départ. C'était un ami de l'Algérie, un frère de l'Algérie. Mercit» conclut, le réalisateur français, qui, comme Roger Hanin, est né dans ce quartier de Bab El Oued. Grâce à Roger Hanin, Alger la Blanche et son cimetière israélite de Saint-Eugène, sont devenus en l'espace d'une matinée pluvieuse mais fraternelle, le symbole d'une cohabitation religieuse unique entre juifs et musulmans en Algérie.