Sombres jours pour ces Français entièrement à part «La liberté absolue raille la justice. La justice absolue nie la liberté. Pour être fécondes, les deux notions doivent trouver l'une dans l'autre leurs limites.» Albert Camus (L'Homme révolté) Un vent mauvais souffle en France pour les Français musulmans qui, inexorablement sont assimilés par les médias judéo-laïcos-chrétiens confondus à des islamo-fascistes dans l'imaginaire des Français. Qu'on en juge! Après la disparition tragique de l'équipe de la rédaction du journal Charlie hebdo, nous assistons à une atmosphère qui nous rappelle celle qui a précédé les attaques contre la communauté juive en Allemagne, sauf que cette fois-çi l'hystérie n'est pas dirigée contre les juifs, mais surtout contre les musulmans et les Arabes. Dans ce qui suit nous allons rapporter une lettre qu'aucun média n'a publiée parce qu'elle ne va pas dans le sens de la diabolisation des musulmans, c'est celle du général français à un officier musulman. Le général français de corps d'armée Henri Poncet né le 4 octobre 1949 à Oran, commandeur de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du Mérite est issu d'une famille de catholiques pratiquants. Dans cette lettre, il s'élève contre les opérations de manipulation des émotions suscitées par les attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo. Il confirme de ce fait, tout ce qui se dit sur la grosse machine propagandiste antimusulmans. La lettre courageuse du général de corps d'armée Henri Poncet Lisons cette lettre qui est à bien des égards un condensé de tolérance, de vivre-ensemble mais aussi de lucidité: «Mon capitaine, cher Djamel, rentrant des Etats-Unis quelques jours après les actions terroristes qui ont frappé la France, j'ai pris connaissance de ta longue lettre. (...) Tu me dis ton malaise ressenti depuis ces tragiques attentats alors que tu viens de rentrer d'une mission de plusieurs mois particulièrement éprouvante dans le Sahel. (...) Tu sais très bien que dans quelques jours des millions de Français se précipiteront dans les bouchons qui mènent aux stations de ski, alors qu'à lire les unes des journaux «Nous sommes en guerre». (...) Je m'étonne par ailleurs que personne n'ait évoqué la possibilité de proclamer l'état d'urgence prévu par la loi, cadre juridique qui simplifierait la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures. Pour mémoire, il a été proclamé en 2005 dans certaines banlieues. Je comprends ton malaise, car je me rappelle ton regard inquiet alors que, jeune sous-officier tu venais d'être affecté à mon état-major et que, dans le cadre du petit tour que j'aimais faire régulièrement, j'étais entré à l'improviste dans ton bureau. Tu avais tout de suite vu que j'avais remarqué ton tapis de prière plié dans un coin. «Pratiquant?», t'avais-je demandé. Tu m'avais répondu par l'affirmative et j'avais vu ton soulagement quand j'avais ajouté: «Soldat français et musulman, pas de problème».(1) Traitant de la liberté d'expression, le général se réfère à Camus cité plus haut: «Tu me dis également que tu t'es refusé de participer à un quelconque rassemblement. Je le comprends. L'élan émotionnel et spontané a été récupéré pour initier une opération de manipulation des foules qui a engendré ces manifestations de très grande ampleur. Je te rassure, si j'avais été en France, je m'en serais également abstenu. La liberté d'expression n'excuse pas tout et ne justifie en rien le droit à la caricature outrancière que j'assimile à l'insulte la plus méprisable. D'ailleurs, j'ai un peu de mal à comprendre comment l'on peut emboucher les trompettes du vivre-ensemble sans un minimum de respect de l'Autre en particulier vis-à-vis de tout ce qui touche à son espace symbolique ou sacré, qu'il soit profane ou religieux. J'ai un peu de mal à comprendre comment on peut brandir l'étendard d'une laïcité dévoyée en insultant l'Autre, et tu sais que, chrétien, je suis attaché à une laïcité bien comprise qui rassemble autour de valeurs communes, une laïcité dont la signification doit être repensée. Il faut regarder la réalité en face. La France d'aujourd'hui est faite de communautés. (..) Je peux plus sérieusement rappeler ce qu'a écrit Et toujours dans L'Homme révolté, [Camus, ndr] évoque cette limite en se référant aux Grecs et à «Némésis, déesse de la mesure, fatale aux démesurés». Il s'interdit de transgresser la limite pour rester à «hauteur d'homme». C'est cela le respect de l'Autre, ce message que Lyautey nous a laissé pour conquérir les coeurs.» (1) Faisant le procès de la classe politique qui joue avec le feu pour des motifs bassement électoralistes il conclut: «(...) Mais la classe politique, toutes catégories confondues, a voulu cacher son incurie et son incapacité à exercer les fonctions régaliennes de l'Etat depuis près de vingt ans. Alors, se serrant les coudes, elle a joué à fond sur l'émotionnel pour ne pas se retrouver en position d'accusé par le peuple. Tu connais bien cela. On avait travaillé là-dessus pour les actions d'environnement et de déception. C'est la sixième stratégie de manipulation des foules parmi la liste des «Dix stratégies de manipulations» à travers les médias élaborée par le linguiste américain Noam Chomsky. On feint de découvrir que les zones de non-droit se sont multipliées en France, que tout ou presque est permis dans les prisons, que l'exercice de l'autorité est devenu un souci majeur dans les établissements scolaires, que le courant le plus rétrograde de l'islam, le wahhabisme financé par des théocraties arabes, a pénétré nos banlieues. Je pourrais continuer à égrainer ces multiples problèmes de la société française connus depuis des années, mais évacués à coup de rodomontades ou de subventions pour acheter la paix sociale. Tu sais tout cela, toi qui as passé ta jeunesse dans une de ces banlieues en crise. (...) De ton armée, Djamel, tu as le droit d'être fier, fier de toi-même, de tes frères d'armes. Tu peux regarder le drapeau de ton régiment sans baisser les yeux. Tu as droit au respect de tes concitoyens, de ton pays, de ton commandant en chef, parce que tu te bats pour la liberté, l'égalité et la fraternité.» Mes respects, mon capitaine.(1) A ce plaidoyer pour la sérénité entre Français, les internautes qui ont commenté cet article saluent sans exception le courage du général et ce plaidoyer pour la tolérance Verbatim de quelques réactions: «C'est bien, mon général; quel média, à part celui qui vous a retenu, va diffuser votre lettre afin qu'elle soit lue par un maximum de citoyens responsables? (...) je partage tout à fait votre analyse, les Français sont manipulés et ne voient pas plus loin que la tendance du jour!!! Bravo au capitaine Djamel et respects à vous soldats de la France!! (...) Merci pour cette lettre à notre frère d'armes. Lettre émouvante et pleine de vérités sur nos politiques et la faillite de l'Etat qui comme vous l'écrivez s'est caché derrière l'émotionnel en fuyant ses responsabilités. (...) Merci général, d'avoir exprimé si simplement ce que nous sommes si nombreux à partager dans un silence imposé. Politiquement correct oblige! Au nom de la liberté d'expression vue par les sectaires et intolérants qui nous gouvernent, nous n'avons que la liberté de nous taire. Merci pour nous tous, ceux qui sont appelés «la majorité silencieuse». (...) Il est dommage que les médias n'aient pas le courage de regarder la réalité en face, politiquement corrects probablement! Merci à l'Asaf de nous avoir transmis votre courrier Et le nôtre ne font même pas de «belles ordonnances». (1) Les musulmans islamo-fascistes? A l'autre bout du curseur, il n'est pas fait crédit aux musulmans de France d'être aussi des Français eux qui sont sommés à chaque fois de se disculper pour des actes terroristes fruit d'une boîte de Pandore ouverte, que l'on ne veut pas refermer par l'apaisement, au contraire, on diabolise à tout-va «ces pelés, ces galeux d'où viennent tous nos maux». Ainsi Manuel Valls a utilisé lundi 16 février pour la première fois le terme d'islamo-facisme et appelé les juifs à rester en France. «Pour combattre l'islamo-fascisme, puisque c'est ainsi qu'il faut le nommer, l'unité doit être notre force», a déclaré le Premier ministre sur RTL. «Il ne faut céder ni à la peur, ni à la division. Mais il faut en même temps poser tous les problèmes: combattre le terrorisme, mobiliser la société autour de la laïcité, combattre l'antisémitisme. (...) Il faut désormais une rupture. (...) «Mon message aux Français juifs est le suivant: la France est blessée comme vous, et la France ne veut pas votre départ. Elle vous dit une nouvelle fois son amour, son soutien et sa solidarité. Cet amour est bien plus fort que les actes de haine, fussent-ils répétés.» (2) Revenant sur la rhétorique de la peur qui brouille l'entendement des Français, il déclare: «Il faut dire la vérité aux Français (...) Il faut s'habituer à vivre avec cette menace terroriste qui est le fruit d'organisations internationales particulièrement barbares mais aussi d'individus radicalisés sur notre sol, qui sont des Français et qui peuvent retourner leurs armes, leurs couteaux, leurs armes à feu, contre nous, contre des militaires, contre des citoyens.» (2) On le voit, les musulmans n'existent pas dans la solution mais sont le problème. En clair, tout citoyen français musulman est un terroriste potentiel et d'ailleurs cela peut commencer tout petit, n'a-t-on pas vu des gamins de 8 ans être entendus par la police? Le clin d'oeil néo-conservateur de Manuel Valls Pascal Riché nous donne l'historique de ce mot islamo-fasciste utilisé par Bush et propose un autre mot à sa place, mais toujours avec le même sens: «Le rapprochement écrit-il, entre islamisme et fascisme avait été fait par les néo-conservateurs dans les années 2000. Tiens, revoilà un joli mot-polémique, l'islamo-fascisme. Il ressurgit cette fois dans la bouche du Premier ministre, Manuel Valls. (...) Pourquoi, après tout, ne dirait-on pas «islamismo-fascisme»? C'est toute une religion, arguent-ils, qui est stigmatisée par ce mot-valise. (...)» (3) Ainsi, après le 11 septembre, poursuit Pascal Riché, les néo-conservateurs s'emparent du mot qui a la force de l'oxymore (jusque-là, les fascistes n'aimaient pas trop les musulmans). Le 6 août 2006, le président Bush, sous leur influence, l'a utilisé dans un discours. Un an plus tard, l'écrivain Alan Dershowitz lance sur les campus universitaires «la semaine de vigilance contre l'islamo-fascisme», soulevant un tollé... En France, quelques intellectuels, qui partagent en grande partie l'idéologie néo-conservatrice en vogue outre-atlantique, défendent également le concept: c'est le cas de Bernard Henri-Lévy, André Glucksmann, Alain Finkielkraut ou Pascal Bruckner, par exemple. (...)» (3) Pourquoi condamnons-nous l'antisémitisme et pas l'islamophobie? La banalisation du terme est devenue naturelle d'autant qu'il y a une véritable conspiration du silence pour ne pas dénoncer l'islamophobie dans les pays occidentaux. Ainsi, parlant du deux poids, deux mesures entre l'antisémitisme qui est une marque déposée- pourtant les Arabes sont aussi des Sémites- et l'islamophobie William Saletan écrit: «(...) Certains gouvernements musulmans, exaspérés par une vidéo anti-islam à l'origine de manifestations et d'émeutes dans leurs pays, se demandent pourquoi les insultes à destination du prophète Mahomet sont considérées comme de la libre expression, alors que la diffamation des juifs et la négation de l'Holocauste n'en sont pas. Et nous n'avons aucune bonne réponse à leur donner. Si nous voulons être en droit de prêcher la liberté d'expression à travers le monde, nous devons la mettre réellement en pratique. Et pour ce faire, nous devons bazarder nos législations sur les discours de haine». (4) «(...) Pour le président égyptien, la liberté d'expression ne devrait pas permettre des discours qui sont «faits pour inciter la haine» ou «dirigés contre une religion spécifique». Le président pakistanais a pressé la «communauté internationale» à «criminaliser» les actes qui «mettent en péril la sécurité mondiale en faisant un mauvais usage de la liberté d'expression». Et quand un journal français a publié des dessins tournant Mahomet en ridicule, le Premier ministre de ce pays a rappelé que les lois françaises protégeant la libre expression s'appliquaient aussi aux caricatures.(...)» (4) «Du Pakistan à l'Iran poursuit l'auteur, en passant par l'Arabie saoudite, l'Egypte, le Nigeria et même au Royaume-Uni, des musulmans se gaussent de notre rhétorique sur la liberté d'expression. Ils pointent du doigt les lois européennes interdisant la remise en question de l'Holocauste. Le 24 septembre, sur CNN, les questions du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ont donné du fil à retordre au journaliste britannique Piers Morgan «Pourquoi, en Europe, est-il totalement interdit de mener des recherches sur cet événement? Pourquoi certains chercheurs sont en prison? Vous croyez en la liberté de penser et d'opinion, oui ou non? Le lendemain, l'ambassadeur du Pakistan aux Nations unies, s'adressant au nom de l'Organisation de la coopération islamique, déclarait devant le Conseil des droits de l'homme: «Nous savons tous qu'il existe en Europe, et dans d'autres pays, des lois qui imposent des restrictions, par exemple, aux discours antisémites, à la négation de l'Holocauste ou aux insultes racistes. Nous devons donc admettre, une bonne fois pour toutes, que l'islamophobie et les discriminations sur la base d'une religion ou d'une croyance sont des formes contemporaines de racisme et doivent être traitées comme telles. Ne pas le faire serait un parfait exemple de deux poids, deux mesures. Le traitement accordé à l'islamophobie, dans la loi comme dans la pratique, doit être égal à celui de l'antisémitisme.» (4) Concluant son plaidoyer WilliamSaletan déclare: «Il a raison. A travers toute l'Europe, des lois interdisent n'importe quelle forme d'expression qui «minimise», «banalise», «sous-estime», «minore», «conteste» ou «remet en doute» les crimes nazis.(...) Les infractions à ces lois sont passibles de peines de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Mon affaire préférée concerne un Français qui avait saisi la Cour européenne pour faire valoir son droit à la liberté d'expression, conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Denis Leroy est dessinateur. Un de ses dessins représentant l'attentat du World Trade Center a été publié le 13 septembre 2011 dans un hebdomadaire basque avec la légende suivante: «Nous en avions tous rêvé... Le Hamas l'a fait.» Ayant été condamné à une amende pour «apologie du terrorisme». (...) La Cour a estimé qu'à travers son dessin, Denis Leroy glorifiait la destruction de l'impérialisme américain par la violence. (..) Comment pouvez-vous justifier la condamnation de tels faits, tout en défendant les dessinateurs et les réalisateurs qui ridiculisent Mahomet? Vous ne le pouvez pas. Soit vous les censurez tous, soit vous n'en censurez aucun. Si on me donne le choix, j'irai dans le sens d'Obama. «Les efforts pour restreindre la liberté d'expression, a-t-il mis en garde les Nations unies, peuvent vite devenir un outil pour réduire au silence les critiques et opprimer les minorités.» (4) Les Français musulmans sont-ils des islamo-fascistes potentiels? Si rien n'est fait, le clivage de la société française travaillée dans le sens de l'intolérance aboutira à l'expulsion de ces scories de l'histoire. C'est tout le voeu de ceux, qui à l'instar de Zemmour et tant d'autres mettent en garde contre le grand remplacement! Sombres jours pour ces Français entièrement à part. 1.Général Henri Poncet 24 01 2015 http://www.asafrance.fr/item/libre-opinion-la-lettre-du-general-henri-poncet-ancien-commandant-des-operations-speciales-au-capitaine-djamel.html 2.http://www.huffingtonpost.fr/2015/02/16/manuel-valls-islamo-fascisme-juifs-rester-france_n_6690402.html?xtor=AL-32280680 3.http://tempsreel.nouvelobs.com/edito/20150216.OBS2604/islamo-fascisme-le-clin-d-oeil-neo-conservateur-de-manuel-valls.html 4.WilliamSaletan http://www.slate.fr/story/62681/ hypocrisie-discours-haine-islamophobie-antisemitisme-homophobie-liberte-expression