«J'ai pu travailler sous la protection de l'armée, mais aucune force de sécurité ne peut éviter les attentats-suicides. Je n'étais jamais tranquille. Quand nous tournions avec beaucoup de figurants, j'étais en alerte et ne devais rien montrer à mes collaborateurs.» Abderrahmane Sissako dans Télérama La France qui a fêté hier la Nuit du cinéma français, va participer indirectement aux Oscars 2015 avec le film mauritanien Timbuktu de Abderrahmane Sissako. Une nouvelle qui ne fait pas le bonheur du gouvernement mauritanien, qui est la première république Islamique dans la région de l'Afrique et qui voit le premier film sélectionné être un film qui dénonce l'islam. Pour cause, le film qui est inscrit sous la bannière mauritanienne n'a pas été soutenu par son pays d'origine, puisque c'est la France le véritable producteur de ce film. Si Timbuktu remporte l'Oscar, c'est la France qui s'en félicitera la première et pas la Mauritanie. Aucun centime mauritanien n'a été mis dans ce film, puisque les deux sociétés impliquées dans la production de Timbuktu sont françaises: Les Films du Worso et Arches Films appartenant respectivement à Sylvie Pialat et à Etienne Comar. Alors, pourquoi les Oscars présentent le film comme un film mauritanien? En réalité, le cinéma français entreprend depuis quelques années une discrimination positive, qui pousse à produire des films étrangers et à récupérer les dividendes quand cela l'arrange. La France tente à chaque fois de présenter des films sous des nationalités différentes aux Oscars, car l'Académie américaine n'apprécie pas trop le cinéma français en raison de son protectionnisme avéré sur son marché cinématographique. La majorité des films français qui avaient explosé au Festival de Cannes a été écartée de la course aux Oscars, ce fut le cas pour Des hommes et des dieux ou encore la Vie d'Adèle, qui avait pourtant remporté la Palme d'or. C'est pourquoi le cinéma français tente d'injecter des films inscrits sous la bannière d'autres nationalités pour arriver aux Oscars. Ce fut le cas pour Le Ruban blanc par Michael Haneke, qui avait obtenu la Palme d'or lors du Festival de Cannes 2009 et qui s'est inscrit sous la bannière autrichienne pour rempoter l'Oscar du film étranger. Finalement, il remporte l'Oscar et le César du meilleur film étranger, alors qu'il est produit également par la France. Même cas de figure pour les films de Bouchareb qui sont arrivés à trois reprises en final des Oscars mais n'avaient pas remporté la fameuse statuette. Toutefois, dans ce cas Bouchareb n'était pas totalement soutenu par le cinéma français. Or, cette année le cinéma français ne se cache plus. Il affiche ouvertement sa préférence pour Sissako. Nommé dans pas moins de huit catégories aux Césars, dont le meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleur montage, alors que le film et le réalisateur sont présentés comme étrangers. Au mois d'octobre 2014, Timbuktu a déjà remporté le Bayard d'or du meilleur film au 29e festival international du Film francophone de Namur ainsi que celui du meilleur scénario. Au mois de janvier, il a remporté le Grand Prix 2015 de l'Union de la critique de cinéma. En février, il a cartonné aux Lumières, où il est sacré meilleur film 2014 et où Abderrahmane Sissako reçoit le Prix du meilleur réalisateur. Il faut préciser que le seul lien avec la Mauritanie, c'est la ville de Walatah, où a été tourné le film, sous la protection de l'armée française, puisque le réalisateur qui devait tourner à Tombouctou au Mali a dû renoncer après un attentat suicide dans la ville. [email protected]