Il a composé l'hymne national des enfants aux jeux Olympiques d'Athènes. Il a la voix jazz de Harry Connick Junior et le caractère trempé du fils du bled. Il nous parle ici de sa carrière, de Sting, de ses projets, notamment de son désir de se lancer dans un groupe... Question: Qu'est-ce que cela vous fait d'être venu sous les couleurs de l'Allemagne et non pas celles de l'Algérie? Mohamed Réda : Vous savez, avec le temps, l'Allemagne est devenu mon second pays. Le Prophète a dit:«Celui qui a fréquenté un peuple 40 jours, devient un des leurs». Cela fait 10 ans que je vis avec eux, j'ai pris le temps de bien les connaître. C'est une nation qui a su tirer des leçons de la bêtise de la guerre mondiale. Ils sont devenus très tolérants. C'est un pays vraiment multiculturel au sens propre du terme. Je trouve cela très respectueux de la part de l'ambassade d'Allemagne et de Goethe Institut d'avoir invité justement un Algérien pour représenter l'Allemagne. C'est tout à fait à l'image de l'Allemagne actuelle, une Allemagne mixte et riche culturellement. On connaît Mohamed Réda chanteur de «variétés», de chaâbi, là, Mohamed Réda a surpris le public en interprétant des standards de jazz. Mohamed Réda a toujours chanté du jazz. Quand j'ai commencé à jouer de la musique, j'étais plus Beatles, musique classique ou jazz, le chaâbi est venu tard dans ma vie. Ce n'est qu'au moment où j'ai commencé à chercher mon identité, quand j'ai un peu mûri, que j'ai trouvé goût à chanter du chaâbi, en fouinant dans mon patrimoine. Le jazz, c'est un peu un flash-back sur mon passé, quand je le jouais sur les bateaux en croisière, que j'animais à l'époque, ou dans les restaurants des grands hôtels dans lesquels je travaillais à Agadir. J'étais un musicien de tourisme. Quand j'ai entamé une carrière plus sérieuse disons, j'ai essayé d'être un peu plus authentique en mettant de l'originalité dans mes oeuvres, parce que chanter du jazz, tout artiste qui prend le soin de l'étudier, sait le faire. C'est l'originalité qui rend l'artiste intéressant ou ordinaire. Justement, si Mohamed Réda verse dans le jazz pourquoi, dans ce cas, n'écrit-il pas ses propres chansons au lieu de reprendre des standards? Il y a peu de gens qui savent que dans mon premier album 36 basta Ali (enregistré en 1989), j'avais prévu un instrumental. A l'époque, la formule classique d'une k7 c'était 5 chansons et un instrumental. Etant donné que j'ai toujours navigué dans le sens inverse du courant en Algérie, et rebelle comme je suis, j'ai tenu à faire l'inverse : 5 instrumentaux et une chanson. J'ai vite abandonné l'idée et j'ai fait en réalité une k7 de 6 chansons. J'ai failli mettre un instrumental pour joindre la convention, mais je l'ai finalement enlevé. C'était un morceau jazz qui s'appelait Jazz in night in Casbah, aucune authenticité dans l'idée, j'ai toujours voulu mettre en relief le jazz dans mes compositions, leur rajouter une touche jazzy. Le jazz ce n'est pas algérien mais il fait partie de moi. C'est pourquoi, j'ai toujours tenu à faire ce clin d'oeil au jazz en passant par le chaâbi, d'autres chansons que je composais à l'époque... En plus du jazz, on sent dans ta voix une certaine touche soul music, dans le genre de Steevy Wonder. Vous savez, Miles Davis a donné la meilleure interprétation du mot jazz. Il dit: «Le jazz, ce n'est pas ce qu'on joue mais comment on le joue». Comme je peux chanter une chanson de Telja ou d'El Baji ou bien de Belkhiati, c'est ma façon d'interpréter ou d'arranger leurs chansons qui peut définir si telle est une chanson de jazz, de variété ou pop... La chanson d'El Badji, justement... C'est une chanson qui m'a toujours tenu à coeur. El Badji est un grand monsieur à la hauteur de Gershwin! Il a écrit de très beaux textes, mais malheureusement on a jamais harmonisé ses titres, c'est pourquoi j'ai tenu à le faire avec T'hadet maâk ya kalbi. Le concert que tu as donné, lors du festival culturel du mois européen avait pour thème le mariage entre l'Orient et l'Occident, réunissant une mixité de styles, est-ce juste un projet de scène ou d'album? Vous savez, j'ai toujours produit d'autres chanteurs avant de me produire moi-même. Disons que j'ai quelque part produit un chanteur en moi qui s'appelle Mohamed Réda, mais la véritable personne que tout le monde connaît est Moh de Bab El Oued, passionné de jazz, de brassage culturel, de nouvelles expériences, c'est pourquoi en réalité, j'aurais aimé former un groupe et partager avec lui mes idées. C'est plus difficile à gérer certes, d'autant qu'il faut tenir compte de plusieurs paramètres...Je pense qu'à l'avenir, je pencherai plus vers cette idée de former un groupe, ma carrière prendra sans doute cette tournure. C'est ce qui va se passer bientôt. Peux-tu nous expliquer le concept: jazz entre Orient et Occident? Le fait d'avoir invité Eda Zari, ( chanteuse albanaise) est un clin d'oeil à cette idée-là . Je pense que plus on est de fous plus on s'amuse. Tout le monde a dû le remarquer lors du concert, il y avait une panoplie d'énergies, toute une sauce, tout un brassage, une richesse dans le programme que j'aime et que j'aimerai continuer à déguster avec plusieurs de mes amis. J'ai eu la chance de rencontrer énormément de bons musiciens qui aiment ce que je fais et j'aime beaucoup ce qu'ils font aussi. Donc je souhaite aller plus vers cette idée de partage au lieu de m'acharner à me produire seul comme un rat de laboratoire. Question incontournable. Peux-tu nous parler de ton aventure musicale avec Sting? Tout cela est arrivé par l'intermédiaire d'un très bon ami, Rhani Krija, qui est en ce moment le percussionniste officiel de Sting. C'est lui qui a enregistré dans le dernier album de Sting, Sacred love toute les percussions. Pour le besoin de la promo-télé de son album, Sting avait besoin d'un second percussionniste qui possède des notions dans la pop music. Rhani a parlé de moi à Sting. Il y avait d'autres postulants, mais après m'avoir consulté il m'a finalement choisi. Cela a été un très grand honneur pour moi de les rejoindre. Pour mon premier travail à Paris, il était question que je joue de la derbouka et en arrivant sur scène pour faire la balance du premier titre sur lequel on devait jouer, sur Tf1, j'ai fait la connaissance de Sting. Il vient, me serre dans ses bras, commence à faire la balance et me demande si je chante. Je lui réponds que c'est ce que j'essaye de faire le mieux. Il plaque un accord et me dit : Vas y ! J'ai commencé à improviser, à faire des istikhbars sur un mi majeur dans le mode zidan. Il a fermé les yeux et j'ai senti qu'il appréciait. On a passé 2 à 3 minutes à «boeufer» ensemble, pendant un bon moment....Un moment, il vient vers moi me dit: «Tu sais dans la chanson il y a un refrain avec un riff d'instrument à vent, essaye d'improviser dessus.» Je pensais que c'était juste pour le kif, il a tout de suite demandé que l'on me donne un micro. Je crois que c'est l'un des plus grands compliments que l'on m'ait fait de ma vie! Cette confiance qu' il a placée en moi en réarrangeant le titre au moment où il m'a connu, au moment où il a entendu ma voix! Cela m'a flatté, m'a donné beaucoup d'assurance. On a entamé donc la tournée. J'avais compris que c'était une sorte d'audition pour moi, en live à la télé. Il était content de ma performance et la tournée a commencé à travers l'Italie, l'Angleterre, le Japon, Hongkong et d'autres pays dans le monde...C'était la tournée promotionnelle pour le CD. Elle a pris fin au mois de décembre. A la télé, il n'y avait que Sting, Rhani et moi, seulement trois personnes sur le plateau. Mary J Blage venait chanter en duo avec Sting. S'agissant de Sting, je dirais que c'est un homme d'une simplicité incroyable. Il a vraiment la noblesse d'un roi et la chaleur...de votre meilleur ami, peut-être de votre frère. Il embrasse tout le monde, te serre dans ses bras. Il possède tous les signes de chaleur et de fraternité qu'on souhaite trouver chez un homme avec un grand H. Des projets, peut-être un duo avec Sting? Chanter en duo avec Sting, pourquoi pas? Si cela se présente dans le futur, j'en serai ravi. Pour l'instant, je compte booster ma carrière en me lançant dans un groupe en incluant d'autres nationalités comme Eda Zari, c'est une chanteuse fantastique. J'ai aussi un très bon ami à Alger que je tiens à remercier. Il s'agit de M.Nasreddine Baghdadi. Il «me harcèle» depuis des années pour que je fasse quelque chose pour les enfants comme je l'ai déjà fait en Allemagne. C'est lui qui est à l'origine de mon séjour ici, pendant le festival culturel européen. Il a réussi à me séduire avec cette idée. C'est en ce moment le projet le plus important dont je doive m'occuper le plus tôt possible. Un projet d'album contenant des chansons pour enfants, traduites, et des chansons que je composerai moi-même.