Plus de 200.000 morts depuis 2011 en Syrie En 2012, Bachar était donné pour «un homme fini, l'affaire de quelques semaines», puis de quelques mois, par Laurent Fabius qui a poursuivi, avec un égal enthousiasme, la guerre en Libye. Le récent voyage en Syrie de quatre députés français, de droite comme de gauche, les 24 et 25 février derniers, et leur rencontre avec le président Bachar Al Assad. a suscité de violentes réactions en France, Paris ayant rompu ses relations avec Damas en 2012. Pour ceux, peu nombreux, qui estiment utile la démarche, les députés incriminés ont eu raison d'y aller. Mais pour les autres, tous les autres, que ce soit Nicolas Sarkozy, les élus et les anciens responsables de la droite dans leur ensemble, ou que ce soit François Hollande, les élus et les responsables de la gauche caviar à peine remise des marivaudages du Crif, ce voyage est pratiquement un acte de trahison. Les quatre cavaliers de l'apocalypse C'est tout juste si le mot est dit mais le ton des reproches, sinon des accusations, frise la condamnation sans appel des quatre cavaliers de l'apocalypse. Tel est le cas, si on en juge par la tribune publiée dans le journal Le Monde par Laurent Fabius et Philippe Hammond, respectivement ministres des Affaires étrangères de France et de Grande-Bretagne, sous le titre explicite «Le maître de Damas ne peut pas être l'avenir de la Syrie». Branle-bas de combat, donc, contre la perspective d'un dialogue renoué avec Bachar al Assad et réaffirmation péremptoire du refus de «le reconnaître comme un partenaire dans la lutte contre Daesh». S'ensuit une panoplie d'arguments jetant pêle-mêle les oukases suivants: «Bachar ne contrôle plus réellement son pays, ni au nord où il a perdu du terrain et où l'opposition modérée se bat avec courage, ni à l'est où il n'oppose aucune résistance à Daesh, ni à l'ouest où s'est installée une filiale d'Al Qaîda. Quant à ses propres frontières, elles sont infiltrées de toutes parts.» Soit. Depuis 2012, lorsque la coalition occidentale a commencé à bombarder aveuglément la Syrie, «Bachar» était donné pour un homme fini, l'affaire de quelques semaines, puis de quelques mois, au pire une année, par Laurent Fabius qui a poursuivi, avec un enthousiasme égal, la guerre en Libye. Question? Où est la victoire promise, à l'époque, avec sa panacée de démocraties triomphantes, au grand bonheur des peuples allègrement bombardés, mitraillés, déchiquetés? Où est la pax Europa censée garantir aux Irakiens, aux Syriens, aux Libyens un avenir radieux? Les deux signataires de la tribune anti-Assad sont-ils à ce point naïfs ou amnésiques quand ils affirment, des années plus tard, alors que tous ces pays vivent dans le sang et les larmes, qu'ils «ne peuvent pas accorder de crédit à la parole de Bachar» responsable «à la fois de l'injustice, du désordre et de la terreur»? On peut légitimement en douter. Un «partenaire» virtuel En affirmant que «la France et le Royaume-Uni ne ménageront aucun effort pour parvenir. à restaurer la paix en Syrie», ils réitèrent une feuille de route, toujours la même, toujours aveugle et sourde aux réalités du terrain: «Pour notre propre sécurité nationale, nous devons venir à bout de Daesh en Syrie. Nous avons besoin d'un partenaire pour agir contre les extrémistes, donc d'un règlement politique négocié entre les différentes parties syriennes et conduisant à un gouvernement d'unité. Celui-ci devrait réunir certaines structures du régime existant, la Coalition nationale et d'autres composantes qui ont de la Syrie une vision modérée, inclusive, respectant les différentes communautés du pays. Il est clair pour nous que Bachar Al Assad ne peut s'inscrire dans un tel cadre.» Mais ce que ces deux hauts responsables ne disent pas, c'est les noms de ce partenaires fiable. Qui remplacera Al Assad, avec qui pensent-ils discuter? Que ne révèlent-ils les noms de ces interlocuteurs «crédibles» pour accélérer la solution? Malheureusement, il y a les faits, et les faits sont têtus. Cet argumentaire n'est guère fiable puisque le même Fabius avait déclaré, en 2012, que «Bachar Al Assad est fini» et que «ce n'est qu'une question de quelques jours». Raisonnablement, cette tribune n'a pas lieu d'être quand on voit les résultats de la coalition occidentale en Irak et en Libye, où les bombes continuent de pleuvoir alors que Daesh se déploie à sa guise. Mais s'agit-il vraiment d'abattre l'EI ou n'est-ce pas plutôt de guerroyer contre Bachar et ses alliés, dans un Proche-Orient où les intérêts latents sont plus impératifs que les buts affichés.