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Quand l'utopie s'érige en règle
JEUX OLYMPIQUES D'ATHÈNES
Publié dans L'Expression le 05 - 09 - 2004

Il ne suffit pas de parler de moyens financiers, la préparation nécessite d'autres conditions.
Zéro pointé. La participation algérienne aux jeux Olympiques d'Athènes n'aura été accompagnée d'aucune médaille. C'est le plus mauvais résultat enregistré depuis Séoul, en 1988. Evidemment, on ne s'est pas gêné d'user de boulets rouges pour « descendre » les athlètes, ceux qui les ont préparés et ceux qui les ont envoyés à Athènes. Se basant sur les 5 médailles récoltées à Sydney lors de l'Olympiade précédente, on a estimé que le cru d'Athènes a raté la mission qui lui a été confiée.
Quand on participe à une compétition sportive, il est naturel de montrer sa déception lorsqu'on n'accède à aucun podium. Il convient également de faire preuve de réalisme. On a une certaine tendance à croire que l'Algérie est une grande nation sportive, capable de se mesurer aux plus grands de cette planète. C'est, d'ailleurs, la même chose en football. Depuis qu'on a battu l'Allemagne au Mondial de 1982, on pense que notre équipe nationale est capable de remporter un jour la Coupe du monde. Il se trouve qu'on a battu l'Allemagne et on en est resté là avec nos rêves, nos chimères et nos fausses croyances. En vingt ans, le football a connu une interminable régression et, à l'heure où ces écrits sont rédigés, il risque gros de rater le train qui mène vers le Mondial de 2006.
Cette discipline est le symbole de l'échec du mouvement sportif national sur ces 20 dernières années. Qu'on se garde bien de citer Morceli, Boulmerka, Soltani et Benida Merah, les médaillés d'or sur 3 olympiades. Ils ne sont que des exceptions qui ont joué le rôle de l'arbre qui a caché la forêt d'imperfections. En football, on a fait d'ailleurs la même erreur, pensant que la génération des Madjer, Belloumi et Assad était éternelle. On évoque, bien sûr, les moyens à mettre à la disposition des athlètes. Mais l'argent suffit-il à lui tout seul? Non. En 2004, nos athlètes en sont encore à se préparer aux quatre coins de la planète parce qu'ils ne disposent pas dans leur propre pays, qui n'a rien d'un pays pauvre, d'un centre à même de leur offrir les conditions adéquates pour s'entraîner. Pour revenir au football, est-il normal qu'en 2004 en Algérie, pays de pétrole et de gaz, l'équipe nationale soit amenée à préparer un match aussi important que celui contre le Gabon de ce dimanche en se regroupant à l'hôtel Hilton? Ce n'est pas que cet établissement n'offre pas des conditions de séjour acceptables, mais pour des sportifs, il aurait été, certainement, plus judicieux et intéressant de leur faire subir un stage dans un centre de préparation. Partant de là, on a l'impression que chez nous, on veut tout obtenir à partir de rien. Double finaliste olympique sur 50 mètres et 100 mètres nage libre, Salim Ilès nous disait à Athènes que des nageurs, l'Algérie peut en produire. «Mais comment peut-elle arriver à le faire s'il n'y a pas de bassins, nous avait-il affirmé. Voilà où se situe le drame. Je pense que si on enlevait un peu aux sports collectifs pour en donner aux sports individuels, notre participation aux JO serait meilleure».
L'instabilité d'une DTN
Par ailleurs, d'autres paramètres influent sur cette participation. Une Souad Aït Salem, notre athlète du 5000 et du 10.000 m ne dispose d'autres ressources pour vivre que l'argent qu'elle récolte ici et là dans des meetings de petite envergure. «Je n'ai obtenu de la Fédération que l'achat d'un billet d'avion pour que j'aille en Espagne et au Portugal pour que je m'aligne dans des meetings où j'ai pu réaliser les minima pour les Jeux d'Athènes.» Même topo pour le marathonien Belhout, chômeur, qui ne gagne qu'une indemnité de 4000 dinars par mois de son club. Que peut-on tirer d'un athlète mal dans sa peau parce qu'il ne sait pas comment arrondir ses fins de mois?
Pour rester dans le registre de l'athlétisme, on fera remarquer que cette discipline qui nous avait valu de remporter quatre des cinq médailles de l'olympiade de Sydney en 2000 (dont une en or) avait pour particularité d'avoir eu le même DTN, en l'occurrence Mohamed Madène, durant de nombreuses années. C'était lui qui avait géré le dossier de l'équipe nationale junior qui avait participé aux mondiaux de la catégorie à Sydney, deux avant que cette même ville n'accueille les Jeux de l'an 2000. Dans cette équipe junior, il y avait des noms comme Said-Guerni, Saidi-Sief, Hammad, Rahouli ou Abaoub. Sous la férule de Madène, cette sélection a été suivie et préparée pour l'olympiade de Sydney avec les résultats que nous connaissons. Or une génération d'athlètes, aussi talentueuse soit-elle est appelée à décliner. Il faut, donc, constamment penser à renouveler son élite et ne pas dormir sur ses lauriers. On oublie, d'ailleurs, qu'avant Athènes 2004, il y a eu Saint Denis 2003 et les championnats du monde d'athlétisme que la France avait organisés. L'Algérie n'y avait remporté qu'une seule médaille, certes en or, mais glanée au forceps par Said-Guerni. Ce résultat aurait dû servir d'avertisseur pour mettre en garde contre tout excès d'optimisme pour la participation à Athènes 2004. Du reste faut-il s'attendre à ce que l'on pourrait qualifier de miracle de la part d'une discipline qui s'est fait remarquer par une instabilité de sa DTN puisque, en moins de deux ans, quatre personnes, Mahour Bacha, Belhadjoudja, Brahmia et Bouras, sont passés par ce poste.
La boxe a déçu
C'est pourquoi il faut relativiser l'échec d'Athènes. L'Algérie n'a rien d'une super-nation sportive capable de vous garantir une moisson de médailles aux jeux Olympiques. Quant à la facile comparaison avec le Maroc, il faudra souligner que sur le plan de la préparation, ce pays a plusieurs longueurs d'avance sur le nôtre avec le centre d'Ifrane. Cela lui permet de présenter un grand nombre d'athlètes (et en athlétisme uniquement) sur le circuit olympique dont le phénoménal El Guerrouj. Il faut, en effet, insister sur le fait que l'Algérie était présente à Athènes dans dix disciplines, ce qui n'est pas rien, et la participation des athlètes était due au fait qu'ils avaient gagné leur qualification sur le terrain en dehors du tennisman Ouahab, invité grâce à une Wild Card. En outre, ces athlètes sont, pour la plupart, jeunes et représentent un gage pour l'avenir. Enfin, il serait objectif de signaler qu'une participation à une finale olympique est en soi une performance non négligeable. A ce titre, un Salim Ilès qui décroche une place de finaliste dans le 50 mètres et le 100 mètres nage libre est un résultat plus que satisfaisant. A sa suite, on citera un Kamel Boulahfane qui s'est retrouvé aux côtés de El Guerrouj dans la finale du 1500 m, ce qui lui vaut d'être invité à des grands meetings européens. Il y a aussi Samir Moussaoui, qualifié dans la finale du 5000 mètres qu'il convient de saluer. Maintenant, il est vrai qu'on peut être déçu de la sortie de Saïd Guerni et de Saïdi Sief dans leurs finales respectives, eu égard à leur renommée, mais étaient-ils dans les meilleures dispositions pour affronter ces JO? On en doute. Du côté des dames, on parlera de Baya Rahouli, finaliste du triple saut non sans avoir battu son record d'Algérie et de Salima Souakri, la judokate qui a atteint la finale pour la médaille de bronze mais qui a eu la malchance de tomber sur la championne du monde en titre.
Il y a lieu aussi d'être déçu de la boxe, grande pourvoyeuse de médailles et qui, cette fois, n'a accroché aucun podium. Mais au sein de son équipe nationale, on a pu déceler du talent chez des jeunes comme Bouziane et Soltani. Dans quelques jours, notre pays va organiser les jeux sportifs Arabes. Il ne fait nul doute qu'il va décrocher de nombreuses médailles d'or. Et l'on voit d'ici les dithyrambes qui ne manqueront pas de saluer les prouesses de nos exploits. Gardons, cependant, les pieds sur terre. Les jeux sportifs Arabes ne sont rien en comparaison des jeux Olympiques. Gagner une médaille d'or aux Jeux d'Alger ne sera à peine qu'un tout petit exploit. Il est essentiel d'éviter de dire que tout va bien, du moment que nous gagnons dans les jeux Arabes.
Maintenant, il est aisé d'en vouloir aux sportifs parce qu'ils nous sont revenus bredouilles d'Athènes. Il faut, pourtant, regarder les choses bien en face et mesurer le retard accusé par notre pays dans la préparation de son élite sportive. Une refonte de notre politique sportive dans ce sens est nécessaire. Plus les années passent et plus on se contente de constater les dégâts. Il est plus qu'essentiel de mettre un frein à ce terrible engrenage qui consiste à espérer conquérir les sommets avec de ridicules moyens. Malheureusement, la leçon est loin d'être retenue.


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