"Les meutes de chiens errants sont devenues un réel danger pour nos enfants ", s´indigne la population. Abordant le problème de l´alimentation en eau potable, un habitant de la localité est catégorique : "Les robinets sont à sec depuis maintenant près d´un mois", dira-t-il. La raison de cette pénurie est due selon notre interlocuteur, aux fonçages illicites de puits réalisés par certains fellahs pour les besoins de leurs cultures. "Pis encore, certains fellahs possédant des cultures aux abords de la localité ont fait des piquages illicites sur la conduite d´AEP pour l´irrigation de leurs cultures. Leurs motopompes puissantes "tètent" toute l´eau. Nous avons maintes fois dénoncé cet état de fait mais les services de l´hydraulique n´ont jamais dépêché de brigade de contrôle pour faire cesser cet état de fait", dira ce citoyen. M.Benazouz A., délégué communal de la localité de Bkhata et de deux autres bourgs avoisinants, Ouled Charef et Legfaf, est formel: ces trois localités peuvent être considérées comme sinistrées. "50% de la population de Bkhata est atteinte de maladies chroniques dues à l´insalubrité des lieux. De nombreuses familles vivent dans des conditions précaires", avouera-t-il, avant de préciser que dans le cadre de l´autoconstruction rurale, "sur 800 demandes formulées, les localités que je suis censé représenter ont été attributaires d´un quota de 05 logements seulement". Récemment, dans le cadre de la création de moyens de divertissement pour la jeunesse de la localité, un centre culturel y a été construit. Equipé d´un baby-foot, d´une table de ping-pong et d´un micro-ordinateur, la structure aurait coûté les yeux de la tête. "Croyez-vous que cela coûterait 350 millions de centimes?", s´interrogent des habitants. L´opacité de la gestion par l´APC des crédits alloués aux plans de développement communaux inquiète sérieusement les citoyens de la localité et suscite moult interrogations quant au sort réservé aux deniers publics de l´Etat et la direction prise par l´argent du contribuable. "A Bkhata, la pauvreté suinte de partout. Revenez dans quelques années et vous découvrirez toujours ce décor d´apocalypse", diront des citoyens au moment où nous les quittions. Un mouroir nommé Bettaïm A quelques encablures de Bkhata, se situe la localité de Bettaïm, une agglomération frontalière de 12000 âmes. A vocation agricole, elle est réputée pour la production de pommes de terre, la mère de l´orphelin, comme on l´appelle ici. Bettaïm, à l´instar de Bkhata, patauge dans une foultitude de problèmes prenant parfois des proportions alarmantes. Aujourd´hui, c´est une localité agonisante. Le taux de toxicomanie parmi la population composée de près de deux tiers de jeunes, a dépassé le seuil alarmant, font savoir les représentants de l´association de quartier dans une correspondance adressée aux autorités. "Cette déchéance et cette descente aux enfers est en grande partie due à la liste d´interdits qui pèsent sur la population", nous a fait savoir un représentant de l´association de quartier, qui ne manquera pas de nous montrer l´état lamentable des rues, "chaque coin de rue est devenu une décharge publique". Cette agglomération de 12000 habitants ne possède ni bureau de poste ni structure sportive, ni kiosque multi service. Avant, les jeunes étaient employés aux travaux des champs, aujourd´hui des mesures "punitives" ont été prises par l´administration, notamment en ce qui concerne l´interdiction faite aux fellahs de forer un puits sur leur exploitations, les empêchant ainsi de mettre la terre en valeur. "Par ce procédé, on l´accule ainsi à la faillite puis à l´abandon", diront nos interlocuteurs. Ironie du sort, même l´aide attribuée par l´Etat dans le cadre des forages de puits et qui s´élève à près de 150 millions de dinars est refusée aux fellahs pour défaut d´autorisation de forage, nous préciseront certains habitants. "On se demande vraiment si l´argent injecté dans le secteur de l´agriculture arrive bien à destination", nous lance d´un air interrogateur un jeune licencié, originaire de la localité. "Comment l´Etat peut-il se contredire, se demande-t-il, comment une réalisation aussi vitale et aussi importante que le périmètre irrigué de Maghnia et qui est un instrument nécessaire à la régulation de l´économie de la région, peut-il être sacrifié au profit d´une autoroute qui ouvrira la voie à d´autres constructions et d´autres masses de béton?» C´est aberrant, termine notre jeune licencié qui avoue ne rien comprendre. "Normalement, le bureau d´étude aurait dû faire un petit effort en vue d´épargner les années de labeur consacrées par les fellahs à la mise en valeur de ce périmètre", dira-t-il. Msamda, où l´enfer et le paradis se côtoient Plusieurs citoyens attendent depuis des années le branchement du gaz de ville alors que la conduite principale passe à quelques kilomètres de la localité. "L´APC s´obstine à ne pas vouloir nous délivrer les actes de propriété de nos maisons, on ne sait pas pour quelle raison", nous dit-on avec un regard qui en dit long sur les intentions des élus. Msamda, une autre localité frontalière, située à quelques encablures de Beni Boussaïd, la mecque de l´informel. A notre arrivée dans la localité, nous sommes pris en charge par un groupe de personnes qui se présente comme étant le comité de l´association de la localité. Ce dernier nous dresse un état des lieux. Remarquant notre étonnement devant la propreté des lieux, les citoyens de la localité nous expliquent que cette transformation est encore toute récente. "Il n´y a pas si longtemps, cette cité croulait sous les ordures, c´est grâce M. Laïdouni Med, plus connu sous le surnom de "l´émigré", un enfant de chahid, rentré définitivement à M´samda où il gère aujourd´hui une exploitation agricole familiale, que notre cité est propre. C´est un fervent défenseur de l´environnement. Auparavant, l´APC n´avait jamais daigné lever le petit doigt pour nous sortir de notre marasme", relèvent nos interlocuteurs. A son arrivée, la localité était dans un état de déchéance très avancé. "C´est sur son initiative et sur ses conseils que nous nous sommes mobilisés et ensemble nous avons effectué la toilette de la cité, comme vous pouvez le constater", nous révèle un groupe d´habitants rencontré sur notre chemin. Avec le concours et l´assistance de "l´émigré", les habitants ont nettoyé la cité et le cimetière des immondices qui jonchaient le sol. Ils ont planté des arbres le long des rues et placé des vide-ordures dans toute la localité. La stèle des martyrs a été complètement remise en état. "Nous avons dû cotiser pour réaliser tous ces travaux. Devant les résultats obtenus, l´APC nous a dotés de l´éclairage public et d´un lot de peinture. L´opération d´embellissement de la localité de Msamda a entièrement été financée par l´APC", dira le maire, pour contredire les propos des représentants de l´association de la localité qui sont formels: "Ce sont nos efforts et ceux de "l´émigré" qui sont à l´origine de cette transformation, les élus n´ont rien fait. Les factures en notre possession font foi", disent-ils. De son côté, la cité d´El Hamri, une cité composée essentiellement de constructions illicites, est bâtie sur des terrains appartenant à l´Etat et vendus par des particuliers en poste à l´APC. Les terrains de cette partie ouest de la ville sont encore, à l´heure actuelle, vendus sous le manteau par les membres de la famille d´un représentant de l´APC, au vu et au su de toutes les administrations concernées. "Les transactions se font sous seing privé chez un écrivain de la ville. Nous avons maintes fois dénoncé ces agissements", nous révèle le président de l´association de ce quartier, mais en vain. A la moindre réticence des citoyens ou à la moindre dénonciation, le quartier reçoit la visite du poclain de la commune qui se met à démolir les constructions, invitant les bouches trop indiscrètes à se taire. "L´APC fait la sourde oreille devant nos demandes de régularisation pour nous tenir sous son diktat", dévoilent les citoyens du quartier et le président de l´association. C´est là la triste réalité du vécu des populations de la région frontalière, coincées entre l´appétit vorace de certains barons de la contrebande et la passivité de l´administration locale. De nombreux observateurs avertis, ici dans la région, racontent, qu´actuellement, il se passe un phénomène très curieux. "La région vit une lutte à mort entre certains cartels et certaines chefferies de la région pour l´occupation du sol de toute la zone ouest de la ville et de la ville elle-même. Un dépeçage en règle qui mettrait en danger tout l´équilibre social de la région". La maffia investit dans l´immobilier et dans le foncier frontalier, créant de nombreux problèmes aux habitants de la zone en question. On raconte ici que la guerre des monopoles a commencé et que l´argent sale est en voie de blanchiment.