En principe, le premier week-end est attendu par tous les scrutateurs ès festival pour juger de la bonne tenue de l'édition en cours... Or, ici à Venise, ni le beau temps (certes moins caniculaire que celui d'Alger), ni le vent du large qui a soufflé presque en rafale (mais on est loin du typhon «Frances» qui sévit sur le Golfe de Floride. A propos, avez-vous remarqué que tous les ouragans portent toujours un nom de femme?...) Bref, tous ces aléas climatiques n'ont pas aidé à avoir une idée, aussi vague soit-elle sur la direction que pourrait prendre cette gondole vénitienne. Sauf qu'il est de plus en plus clair que les Américains de Californie (ceux qui pèsent lourds) font la pluie et le beau temps: Denzel Washinton arrive en retard à la projection de Man on Fire et voilà que la séance se termine à quatre heures du matin! Sans pour autant que son film eut mis le feu quelque part... Débarquant de Deauville - où se tient la 30e édition du film américain- les stars américaines descendent de leur jet privé et chamboulent tout, au grand dam des cinéastes programmés à ce moment-là...Tous les paparazzis sont sur le ponton à l'affût du moindre battement de cils de Tom Cruise (plus accessible) que Travolta, à la terrasse de l'imposant Excelssior, Q-G des festivaliers encartés. Sauf que ces deux-là ont l'air d'oeuvrer plus pour enrichir le press-book de la secte de scientologie à laquelle ils sont adhérents... Tout ce raffut a renvoyé dans les limbes l'excellent documentaire de Tim Robbins Embedded, sur la guerre du Golfe II... A sa conférence de presse, il y avait autant de journalistes que pour un film tibétain. Robbins aurait gagné médiatiquement, à faire lire son commentaire par, au hasard, une Nicole Kidman, il y aurait eu foule certainement. Surtout que Kidman est annoncée sur le Lido. Elle semble seulement attendre le départ de son ex-de Cruise, pour entrer en scène. Timing oblige! Il y a un grand qui n'a pas du tout l'air de chercher pareils effets de manche, c'est le terrible Merchant of Venice, Al Pacino qui, malgré le succès de son film shakespearien reste aussi modeste qu'abordable. Plus de deux heures vingt de bonheur, qui confirme, une fois de plus, dans cette certitude, que tous les scénaristes du monde, même en Algérie, devraient (re)lire Shakespeare pour y puiser une inspiration adaptable à tous les sujets. Il suffirait pour cela de lire le bon texte. On vibre avec Al Pacino et son marchand de Venise, incroyable hymne à la tolérance et au respect des différences. Pour le moment, seul le dramaturge Mohamed Farrah, semblerait, chez nous et à nos yeux, au vu de sa connaissance de ce legs universel, apte à adapter en un feuilleton haletant, retransposé dans une réalité algérienne, urbanisée, un Roi Lear par exemple... En attendant, c'est à un film anglais tourné par une réalisatrice du cru qu'échut la lourde responsabilité de reconstituer le parcours terroriste du groupe dit de Hambourg dirigé par l'étudiant en architecture, l'Egyptien Mohamed Ata qui, avec ses acolytes, patiemment recrutés et conditionnés en Afghanistan, a exécuté le terrifiant plan du 11 septembre. The Hamburg Cell est joué avec une terrible conviction par des acteurs que l'on croit sortis des grottes de Kandahar, avec une mention particulière pour le jeune libanais Karim Saleh, profondément émouvant dans sa descente aux enfers. Au fur et à mesure que le lavage de cerveau se faisait, on en sort avec un sentiment de malaise et de gêne pour une religion, l'Islam, injustement maltraitée, comme aucune autre religion du Livre ne l'a été ! Vite se précipiter, lâchement, dans une autre salle pour essayer (vainement) de se laver les yeux de ce sentiment de gêne, de honte ! Alors on fonce sur Ovunque Sei, de Michèle Placido, en espérant que le spectacle aura lieu, encore une fois, dans la salle, comme à chaque fois qu'un film italien est projeté... Et ce fut le cas: quolibets, rires aux éclats et autres gracieusetés étaient au rendez-vous. A la décharge de ces intenables critiques italiens, le film de Placido a considérablement facilité la tâche, tant son niveau était bas et inversement proportionnel au capital de sympathie dont bénéficiait cet ex-jeune premier, devenu cinéaste, prometteur à ses débuts, avant de se laisser aller à la facilité, de plus en plus déconcertante! Mais, Placido ne dépare pas, pour le moment, dans cette sélection qui n'a produit que quelques frémissements, sans plus, avec, certes, un moment de grâce cinématographique, provoqué par un des rares cinéastes parmi les présents à Venise, à maîtriser la grammaire du cinéma, dans sa forme et dans son fond, Arnaud Despleshin avec Rois et Reine. Mais ne soyons pas trop pessimistes, il reste encore des noms à venir, Isamel Ferroukhi, Amos Gitai, Yasmina Kessari, Mike Leigh etc. Et surtout nos amis iraniens!...