A la recherche d'une crédibilité, le nouveau raïs égyptien, Abdel Fatah al-Sissi, fait le forcing et multiplie les rencontres internationales Alors que l'Egypte est au bord du gouffre économiquement, les experts n'attendent ni promesses de dons ni annonces fracassantes de contrats de cette conférence économique de trois jours. L'Egypte a ouvert hier une conférence économique internationale pour attirer les capitaux étrangers qui vise plutôt à asseoir le pouvoir du président Abdel Fatah al-Sissi, critiqué sur les droits de l'Homme mais se voulant le fer de lance de la lutte contre les jihadistes. La venue, annoncée au dernier moment, des chefs de la diplomatie américaine, John Kerry, et britannique, Philip Hammond, - quand d'autres pays occidentaux sont représentés par des ministres des Finances ou des diplomates -, conforte le sentiment que cette conférence va servir à démontrer qu'il faut soutenir al-Sissi. L'ex-chef de l'armée a destitué le président islamiste élu Mohamed Morsi en 2013 et réprime violemment toute opposition depuis, mais il demeure un allié incontournable dans le monde arabe, où le groupe Etat islamique (EI) grignote du terrain en Egypte et en Libye après la Syrie et l'Irak. Alors que l'Egypte est au bord du gouffre économiquement, les experts n'attendent ni promesses de dons ni annonces fracassantes de contrats de cette conférence économique de trois jours intitulée «Egypte, l'avenir», à Charm el-Cheikh, station balnéaire du Sinaï où de nombreux patrons des grands groupes étrangers sont invités. La grande majorité des contrats ou projets qui y seront signés ou annoncés sont déjà sur les rails de plus ou moins longue date. M.Kerry, arrivé à l'aube hier, doit discuter avec M.al-Sissi notamment des efforts de la coalition internationale contre l'EI, la situation en Libye et la crise en cours en Syrie, selon le département d'Etat. Mais sans doute aussi du rôle attendu de l'Egypte dans ce combat. Washington, comme d'autres capitales occidentales, fait mine de s'émouvoir de la sanglante répression menée contre les partisans de M.Morsi, premier président élu démocratiquement, mais les Etats-Unis ont rapidement admis qu'ils ne pouvaient pas bouder l'Egypte face aux jihadistes. M.al-Sissi est le principal chef d'Etat de la région qui réclame la formation d'une force arabe commune pour faire face à cette menace, au menu du sommet de la Ligue arabe fin mars. Et il a lancé récemment ses avions de combats dans un raid contre l'EI en Libye. «Les Etats-Unis sont désireux et prêts à être le catalyseur du développement économique de l'Egypte», a déclaré M.Kerry devant des industriels américains et égyptiens, ajoutant cependant, pour illustrer le dilemme de son administration: «Nous espérons voir davantage de progrès dans la réalisation des aspirations démocratiques du peuple égyptien». Les Etats-Unis allouent chaque année 1,5 milliard de dollars d'aide à l'Egypte, dont 1,3 milliard en assistance militaire. Une partie de celle-ci avait été gelée après la destitution de Morsi et conditionnée à des réformes démocratiques. Depuis, des hélicoptères de guerre Apache ont été livrés pour soutenir Le Caire dans sa lutte contre les jihadistes dans le Sinaï, mais une dernière tranche d'aide militaire est encore bloquée. Car l'ONU ne cesse de dénoncer la mort de nombreux manifestants et les «procès de masse expéditifs» au terme desquels des centaines d'opposants pro-Morsi sont condamnés régulièrement à mort. Et les organisations internationales de défense des droits de l'Homme accusent le régime de M.Sissi - élu en 2014 après avoir éliminé toute opposition de la scène politique, islamiste et laïque - d'être plus répressif que celui de Moubarak. Policiers et soldats ont tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi depuis 2013 et emprisonné plus de 15.000 sympathisants islamistes. Les autorités égyptiennes ont annoncé la participation à la conférence économique de 80 pays et 23 groupes ou organismes internationaux et M.al-Sissi veut projeter l'image d'un pouvoir fort ayant su rétablir la sécurité et la stabilité. Son objectif pourrait cependant être contrarié par les attentats meurtriers revendiqués quasi-quotidiennement par des jihadistes visant la police et l'armée en représailles, selon eux, à la répression.