L'Expression: Pouvez-vous nous faire une petite biographie succincte de Dalila Oukili? Dalila Oukili :Je suis originaire d'Aïn Témouchent, issue de l'émigration algérienne en France. J'ai débuté mon parcours en France comme comédienne. J'ai interprété des rôles dans des courts et longs-métrages mais ma véritable passion a toujours été le théâtre. D'abord assistante réalisatrice, je me suis ensuite intéressée à l'écriture des pièces théâtrales. Justement, votre première mise en scène est intitulée La main damnée? Oui absolument. Elle relate l'histoire d'une jeune fille prise au piège dans un trou par un groupe terroriste et relâchée quelques mois plus tard avec un traumatisme. Sa vie s'est transformée en un véritable calvaire. Elle n'a plus été la même... Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur le titre que vous avez choisi pour cette pièce? Je tiens à préciser que cela n'a rien à voir avec la main de Fatma (rire). Si j'ai choisi ce titre, c'est par rapport à la situation de cette jeune fille, Imène. Le mariage damné veut dire une fille maudite, c'est pour dire que cette jeune fille n'aura jamais plus de vie heureuse après le cauchemar qu'elle a vécu et jamais plus elle ne connaîtra de jours heureux. Et le choix des acteurs? Avoir Benaïssa, c'était magnifique. Tout le monde sait que c'est un grand homme du théâtre algérien et quand le Français que j'avais choisi pour interpréter le rôle du père s'est désisté, j'ai contacté Ahmed, il a gentiment accepté. Pour Linda Sellam (Imène) , connue aussi dans le théâtre, je l'ai vite vue dans le rôle après une audition. Pour sa jeune soeur, Lamia alias Tinhinane, mon choix s'est porté sur elle dans une audition organisée à l'Institut d'art dramatique de Bordj El-Kifan (Inad). J'avais remarqué son talent qui la différenciait des autres jeunes filles et je crois que j'ai fait le bon choix. Vous avez touché un sujet très sensible et qui reste encore tabou? Tout d'abord, je tiens à préciser que c'est dommage que ce sujet reste tabou comme vous le dites. D'ailleurs, c'est ce qui m'a poussé le plus à écrire cette pièce. Je me suis renseignée car il n'y avait aucune autre pièce et aucun film qui traitaient du sujet. J'ai écrit cette pièce en 2001 et le film de Yamina Bachir Chouikh (Rachida, est sorti bien après, en 2002). Puis, je me suis sentie concernée par ce que ce passe dans mon pays. Pour l'anecdote, un soir j'étais assise tranquillement devant ma télé, en France et je regardais un reportage, c'était justement sur cette femme algérienne emmenée de force dans les maquis et ayant subi les pires traitements. Il y avait une jeune fille qui m'a particulièrement touchée, sa mère, ses frères, sa famille parlaient à sa place, mais elle, traumatisée, n'osait pas dire un mot. Cela m'avait vraiment choquée et j'avais du mal à croire ce que je voyais. Vous ne pensez pas que l'histoire est triste et tragique? Oui, je le sais. Mais malheureusement c'est la vérité. Je n'ai fait que montrer cette réalité. Voilà, je ne porte aucun jugement ni ne donne de leçon. Y a-t-il une moralité dans cette histoire? Je pense que oui, si chacun de nous prenait ses responsabilités, je crois qu'on pourrait résoudre ces difficultés. La jeune fille Imène est une victime et elle n'est pour rien dans ce qui lui est arrivé. Par ignorance et par fierté, on l'accuse alors qu'il faut condamner les vrais coupables, ceux qui lui ont gâché la vie. L'utilisation de la langue française est-elle intentionnelle? Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai grandi en France et je ne sais pas écrire dans une autre langue que le français, mais on m'a proposé de le faire aussi en arabe dialectal, malheureusement faute de moyens, on a été amené à reporter ce projet à plus tard. Justement, en parlant de moyens est-ce que vous avez eu l'aide qu'il fallait? En France, il y a déjà la mairie de Grenoble qui m'a vraiment aidée, surtout financièrement ainsi que la l'Afaa (l'Association France artistique et arts). Nous avons aussi été soutenus par les ministères français de la Culture et des Affaires étrangères. Chez nous, cela semble un peu plus compliqué, car quand j'ai écrit cette pièce, j'ai contacté M'Hamed Bengettaf, le directeur du TNA qui ma suggéré de proposer la pièce au théâtre de Sidi Bel Abbés, à l'époque dirigé par Ahmed Benaïssa. Toutefois, il se trouve qu'à cette époque, il avait quitté ses fonctions au Trbsa. Pour pallier cet inconvénient, M'Hamed Bengettaf m'a finalement proposé de monter ma pièce au TNA. Je pense vraiment que sa place est ici. Nous avons eu également le soutien de l'Onda. Pour ce qui est du ministère de la Culture, c'est en voie de règlement. Avez-vous d'autres projets? Après la présentation de la pièce, ici en Algérie, nous comptons la montrer en octobre prochain à Grenoble au Théâtre 145. Elle est même programmée au Festival des théâtres de réalité, en décembre, à Bamako au Mali.