Résistant et humaniste, tel a été le thème de la conférence sur l'émir Abdelkader jeudi au pavillon central du Palais des expositions , animée par M. Mustapha Chérif. «Je tiens à saluer une réflexion à la fois enracinée dans ses propres valeurs et travaillant sans relâche à leur inscription dans le monde arabe», a-t-il affirmé. Parce que la culture est avant tout un dialogue et une manière d'accueillir l'autre dans sa différence. Cette préoccupation fut aussi celle de Mustapha Chérif, dont les travaux sur l'Emir Abdelkader et sur l'histoire culturelle de différentes régions d'Algérie, s'ouvraient rapidement sur une volonté d'échanges et de confrontations avec les différentes identités du Maghreb, de l'Afrique, de l'Europe. Parce que nous sommes en train de vivre une situation historique décisive pour les relations entre le monde arabe et le reste de l'humanité , parce que les représentations symboliques et imaginaires qui y sont associées dans les supports de communication de la plus grande puissance du monde occidental, seront tant que durera la situation d'affrontement dans laquelle nous sommes placés, des images dépréciatives, caricaturales, des analyses simplificatrices, soupçonneuses et inquiètes. Au cours des deux journées de conférence sur l'Emir Abdelkader qui s'ouvriront lors de ce Salon du livre, les conférenciers ne se contenteront pas d'évoquer, pour lui rendre hommage, son itinéraire de résistant farouche, mais aussi son humanisme, cet hommage n'est pas seulement de circonstance , il est nécessaire, il porte en lui la forme de notre avenir commun. Il s'agit de concevoir un humanisme capable de supporter la mondialisation. «Ce sera rude mais indispensable». Nous avons besoin, selon Mustapha Cherif, d'une nouvelle philosophie politique, d'une nouvelle conscience historique, adaptée à un monde où les armées enjambent les continents, où la solidarité s'exerce à des milliers de kilomètres, où le sentiment de fraternité existe réellement entre des individus séparés à la fois par leur traditions, leur histoire, leur univers et néanmoins unis contre les maux qui frappent. Comment penser cette communauté nouvelle, quelles règles et quels fondements lui donner? L'humanisme sans frontières de l'Emir Abdelkader est une source d'inspiration et de réflexion inépuisable. L'Emir Abdelkader est né à la Guetna près de Mascara en 1808, élevé dans la zaouia paternelle dirigée par Si Mahieddine. Il reçoit une éducation solide qu'il complète auprès des maîtres éminents à Arzew et à Oran. Il apprend les sciences religieuses, la philosophie, la littérature arabe, l'histoire, les mathématiques, l'astronomie, la médecine...Platon et Aristote, Al Ghazali, Ibn Rushd et Ibn Khaldûn lui sont familiers, comme en témoignent ses écrits. Toute sa vie, il étudie et développe sa culture. Proclamé Sultan des Arabes en 1832, après le départ du Dey d'Alger, il fonde un Etat qui couvre les deux tiers du territoire algérien, puis, à la suite de son père, il reprend le flambeau de la «Guerre sainte» contre la colonisation française. Vaincu en 1843, il se réfugie au Maroc où il continue la lutte avec l'appui du sultan jusqu'à la victoire française de l'Isly, en 1844. Après trois ans de combats sporadiques, Abdelkader se rend au général Lamoricière. Interné en France pendant cinq ans, il est libéré par Napoléon III et se retire en Turquie puis en Syrie, où il se consacre aux études religieuses. En 1860, lors des émeutes antichrétiennes de Damas, il sauve plusieurs milliers de maronites. Mais selon sa volonté, il se tiendra sur la fin de sa vie à l'écart de tout engagement politique. Cependant, son humanisme marquera à jamais l'histoire de l'humanité.