Après avoir perdu un demi-siècle, la première ligne (entre le port d'Alger et celui d'El Djamila) du transport maritime sur les 1200 km de notre façade littorale a été lancée il y a 8 mois. Un test qui a démontré la forte demande. A l'extension attendue, nous avons droit à des signes de projet mort-né. Décryptage!... «Cheveu sur la soupe.» Cette semaine, une curieuse information a attiré notre attention. Elle est «tombée» lundi dernier. C'est le directeur commercial de l'Entmv (Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs) qui a tenu à informer l'opinion que son entreprise «prévoit la création d'une filiale chargée du transport maritime urbain». Tout le monde se rappelle du lancement, en août de l'année dernière, de la ligne pilote reliant le port d'Alger à celui d'El Djamila dans la commune de Aïn Benian dépendante de la wilaya d'Alger. La ligne a eu tellement de succès qu'on ne peut pas l'oublier. Soit! Donc 8 mois après on en est encore au stade des prévisions de gestion de cette nouvelle forme maritime de transport urbain. Attendez, ce n'est pas fini. Le directeur commercial précise «qu'avant d'entamer les procédures de la création de cette filiale, il s'agit d'abord de créer une division de transport maritime urbain au sein de l'Entmv». On recule d'un cran. Il aurait dû commencer par ce préalable. Et puis vient l'embrouille. Le projet de filiale est dicté, selon lui, par la nécessité de séparer le transport des voyageurs vers l'étranger de celui de l'intérieur du pays. A l'image des vols internationaux et des vols intérieurs d'Algérie. Soit encore! 8 mois pour s'en rendre compte. Il n'empêche et toujours selon ce même responsable, à son lancement, la ligne pilote Alger-El Djamila était gérée par l'Entmv. Sans la division «urbaine» qu'il faudra créer avant la filiale. Accrochez-vous, on essaye de démêler autant que possible l'embrouillamini. Malgré tout, l'affrètement d'un bateau italien a pu avoir lieu pour cette ligne. Et là vous allez voir, commence à se dessiner l'explication de cette curieuse information qui «tombe» comme un cheveu sur la soupe. Le responsable de l'Entmv nous apprend que le contrat avec les Italiens expire le 30 avril prochain. Ensuite, les navettes devront être assurées par «deux navires monocoques d'occasion». Pourquoi d'occasion? Les caisses sont vides? Il suffirait, dans ce cas de supprimer l'importation des avocats et des ananas pour faire des économies de devises et acheter des bateaux neufs. D'autant que le retour sur investissement, comme disent les gestionnaires, a l'air d'être rapide vu l'engouement du public pour ce genre de transport. Continuons! «Un appel d'offres vient d'être lancé pour l'acquisition de ces navires (d'occasion)» souligne le directeur commercial. A la bonne heure! Ne croyez pas que cela va prendre des années. Notre directeur est rassurant. «Nous espérons recevoir (les navires en question) au début de la saison estivale c'est-à-dire en juin prochain», précise-t-il. Première observation: entre le 30 avril (fin du contrat avec les Italiens) et juin, il y a 30 jours du mois de mai. Que fera-t-on durant ce mois? Secundo, cette référence à la saison estivale fait de ce type de transport un simple divertissement alors que l'objectif du gouvernement est de développer le cabotage sur 1200 km de nos côtes. Pour les voyageurs et pour les marchandises. Pourquoi pas aussi pour les camions. Une sorte de ferroutage (transport des camions par train) comme dans les pays développés. Pour désengorger les routes. Pour réduire les accidents de la route. Pour réduire les coûts. Pour aller plus vite. Etc. Et enfin comment sait-il que ces deux navires d'occasion seront réceptionnés en juin? Cela dépendra des soumissions. De l'ouverture des plis. Et qui dit que l'appel d'offres ne sera pas infructueux? On vous disait bien que l'info est curieuse. Le ministre des Transports, Amar Ghoul, avait annoncé «l'achat de quatre à cinq navires pour les besoins du transport maritime urbain». En effet, c'était il y a huit mois. Entre-temps, il y a eu rétrécissement au «lavage». Les «quatre à cinq» sont devenus «deux» et en plus «d'occasion». Résultat des courses, les navettes seront interrompues durant le mois de mai (sans soudure comme auraient dit les producteurs de pomme de terre). L'inconnu du résultat d'un appel d'offres. La réduction du nombre de navires. Le choix de l'occasion. Et enfin l'utilisation estivale et touristique de ce mode de transport. Le tout est compris dans une communication annonciatrice d'une remise au placard du projet de transport maritime urbain. Purement et simplement. Il suffira d'un appel d'offres infructueux. D'une panne des navires d'occasion pour que le projet soit «reporté à une date ultérieure». Voilà comment on prive notre pays d'une route maritime longue de 1 200 km. Qui n'a besoin ni de revêtements, ni de tunnels ou de ponts. Qui est toute prête à contribuer au développement économique. A réduire le nombre des victimes de la route. A réduire les dépenses de l'Etat. Quand on pense que dans les pays développés, des rivières et même de simples cours d'eau sont mis à profit pour le transport. Quand on pense que ces mêmes pays creusent sous la mer (tunnel sous la Manche) en y trouvant leur compte en termes de rentabilité. On se dit que, pour nous, c'est la faute à pas de chance! [email protected]