Dans les rues algéroises, sur les plateaux télés arabes ou auprès des think tanks occidentaux la préoccupation des guerres arabes ou opposant des musulmans est dans toutes les discussions. Plusieurs jours après le début de l'intervention arabe au Yémen et à l'approche d'un accord sur le nucléaire iranien, la rue arabe est toujours divisée sur la signification de l'appartenance à la sphère arabe ou à la nation musulmane tant les enjeux sont à la fois diffus et énormes. Cet intérêt à des sujets de géostratégie s'explique aisément lorsqu'il s'agit des peuples de la région du Moyen-Orient. Mais cet intérêt dépasse cette seule partie du monde et les Occidentaux guettent les évolutions dans la région par où transite une partie du pétrole qui irrigue l'économie mondiale. Islam et pétrole constituent donc un mélange explosif que tente de comprendre les Occidentaux qui n'ont pas nécessairement une compréhension instinctive des peuples de ces pays. D'où cette question de savoir «Qu'est-ce que le droit musulman aujourd'hui?» qui fera l'objet d'un débat en Belgique avec Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS et auteur de «La Charia des sources à la pratique, un concept pluriel» paru en 2014. Ce sera le 24 avril prochain grâce l'institut européen de recherche sur la coopération méditerranéenne et euro-arabe et au soutien du Mouvement européen-Belgique. D'ores et déjà, l'institut souligne qu'il serait faux de croire que la perception de l'islam et de la charia est unanime, homogène, monolithique dans les pays et sociétés à majorité musulmane. L'institut souligne que «si la question de la charia se pose avec tant de vigueur, c'est parce que nous vivons une époque où le vocabulaire de l'islam constitue une ressource majeure dans les reconfigurations sociales, politiques et éthiques des mondes musulmans». Il est ajouté qu'il faut comprendre les usages de ce registre discursif et de ce répertoire islamique dans le contexte de la colonisation, des indépendances, de la formation d'Etats nouveaux, des migrations, de la globalisation et aussi de la modernité. C'est surtout à des fins politiques que nombre d'Etats, de mouvements et d'individus ont invoqué l'islam et sa loi, la charia et c'est ce qu'on a généralement appelé l'islamisme et ce qu'on appelle le droit musulman ne correspond pas à une réalité aussi ancienne que l'islam lui-même. L'idée de transformer les normes en droit et particulièrement, en droit codifié est le résultat d'une invention qui plonge ses racines dans l'irruption européenne sur la scène musulmane, selon l'institut qui souligne que pour l'essentiel, la question de la normativité islamique n'est pas d'ordre juridique, mais de nature éthique et déontologique car c'est-à-dire morale. Mais quelles sont les parties qui imposent cette morale? L'Etat islamique, Al Azhar, les prédicateurs officiels, les mosquées officieuses ou tout simplement le gouvernement voire les chaînes de télévision? Les problématiques sont plus difficiles lorsqu'il s'agit de savoir comment vivre en conformité avec ses convictions dans des situations où l'on ne partage pas nécessairement ces dernières avec la majorité de la population. La présence musulmane dans des pays qui ne le sont pas majoritairement a fait émerger de nombreuses questions dans ce cadre. Avec des risques d'attentats terroristes. Donc on voit bien que les questionnements occidentaux sur l'islam touchent aussi bien la sécurité des musulmans que celles des nations qui ne pratiquent pas en majorité cette religion et que le règlement des conflits au Moyen-Orient n'est pas sans conséquence sur la sécurité de l'Europe.