Elle a relevé «un manque de communication entre le commandant de bord et le copilote relative à l'identification de la nature de la panne survenue au moment du décollage». «L'accident résulte de la perte d'un moteur lors d'une phase critique du vol, de l'absence de rentrée du train après la panne moteur et de la prise des commandes par le commandant de bord avant d'avoir entièrement identifié la panne.» Ce sont là les conclusions de la commission d'enquête chargée d'identifier les causes du crash du Boeing 737-200 d'Air Algérie, survenu le jeudi 6 mars 2003 à l'aéroport de Tamanrasset. Hier, les familles des victimes étaient très nombreuses à Sofitel, le lieu choisi par ladite commission pour dévoiler le résultat de l'enquête. Les experts ont tenté durant une heure de décrire, étape par étape, ce qui s'est passé ce sinistre jour ; une heure pour décrire les 25 secondes qui ont précédé le drame. Première révélation «L'appareil d'Air Algérie était dans un état normal et répondait dans ce cas-là parfaitement aux normes de navigabilité internationale», tend à rassurer M.Arslanian, le représentant du Bureau d'enquête et d'analyse français pour la sécurité de l'aviation civile (BEA). L'autre précision: «Aucun doute sur les compétences des membres de l'équipage». Comment expliquer dans ce cas-là l'accident? Les enquêteurs ont confirmé hier une panne survenue au niveau du réacteur gauche au moment du décollage. A l'origine «une grave avarie provenant de la rupture d'une pièce qui a provoqué la destruction immédiate de la turbine haute pression». La panne est survenue au moment même où le copilote qui était aux commandes a fait la demande de rentrée de train. L'opération à l'insu des membres d'équipage n'a pas été effectuée. Cette grave avarie a aussitôt entraîné une brutale perte de poussée et une embardée de l'avion à gauche. Le commandant de bord essaie de rattraper le coup, et annonce qu'il prenait les commandes environ huit secondes après la panne. Quatre secondes après, le copilote appelle la tour de contrôle pour signaler qu'ils avaient un problème. Le taux de montée est maintenu, l'appareil perd de la vitesse. Bref, les membres d'équipage décollent sans déterminer la nature de la panne. Pis encore, ces derniers ignoraient ce qui se produisait au moment du décollage. Bref «la répartition de la tâche n'a pas été respectée», estime M.Affane, le président de la commission d'enquête. Plus explicite, le rapport final relève «un manque de communication entre le commandant de bord et le copilote relative à l'identification de la nature de l'avarie». «Le pilote qui n'était pas aux commandes est en charge d'identifier la panne et de prendre les mesures d'urgence y afférentes», ajoute-t-il. Ce n'était pas le cas ce jour-là. Un violent incendie s'est déclaré immédiatement, l'avion a glissé en perdant divers éléments, a heurté et défoncé la barrière de l'aérodrome puis a franchi une route avant de s'immobiliser en feu. Des scènes tragiques décrites en détail en présence des familles des victimes. Dans la salle, une ambiance lugubre régnait. Un silence de mort. Très attentives aux explications parfois très techniques du crash, les familles ne cherchaient que la vérité. Et celles d'hier étaient très difficiles à digérer. L'expert français insiste sur le fait que «les pannes signalées n'expliquent pas le crash», parce que, ajoute-t-il, «dans l'aviation, l'appareil peut décoller avec un seul réacteur». En d'autres termes, le crash n'aurait pas eu lieu si les membres d'équipage avaient su gérer l'incident. M.Affane appuie cette thèse et estime que «la préparation sommaire du vol qui n'a pas permis à l'équipage de se préparer à faire face à une situation anormale survenant à un moment du vol a contribué à l'accident». Il est reproché à ces derniers «l'absence de travail en équipage après la panne». La commission a tenu quand même à relever que la rapidité de l'évènement laissait peu de temps à l'équipage pour récupérer la situation. S'il n' y avait pas eu de panne, les membres d'équipage n'auraient-ils pas été confrontés à cet incident et d'autres questions relatives à la nature de la panne ont été soulevées par les familles présentes. Mohamed Maghlaoui, le ministre des Transports en réponse à ces «doutes» a tenu à réitérer le fait «qu'aucune anomalie n'a été enregistrée sur l'appareil avant le décollage». Par ailleurs, selon les experts, l'environnement rocheux de l'aérodrome, impropre à un ratissage d'urgence, a rendu plus complexe la mission des pilotes. L'enquête technique n'a pas pour but de «définir les responsabilités mais de tirer les leçons». A ce sujet, la commission a insisté sur la formation des pilotes en matière de travail en équipage.