Tous les moyens sont bons pour passer le carburant hors des frontières Les wilayas frontalières de l'est du pays, à vocation agricole pour la plupart, se sont transformées et devenues de véritables passoires pour la contrebande du carburant, du cheptel et autres produits alimentaires subventionnés par l'Etat. De régions agricoles pour les unes, touristiques pour les autres, les wilayas frontalières de l'Est du pays sont devenues, en l'espace de quelques années, la plaque tournante d'un trafic de produits pétroliers, des cheptels et produits alimentaires qui font courir les populations des régions. La ruée vers le gasoil y est particulièrement déroutante. Ils sont près de 3000 «intermédiaires» à avoir trouvé en ce filon, un simulacre de solution à leur misère et mal-vie. Appelés communément harraga, à Souk Ahras, Tébessa, Khenchela et El Tarf, entres autres régions, ils ne travaillent pas à leur propre compte, mais sont au service des barons, de la contrebande du carburant qui les exploitent sans scrupules. Ce business, composé de près d'une cinquantaine de réseaux spécialisés dans le trafic de carburant qui écume la bande frontalière longue de 120 km donnant accès à la Tunisie, a flambé dans pratiquement tout l'est du pays, à l'image de Ouled Abbès, à Souk Ahras. Pour cause, cette localité de la mechta de Chgaga, distante de 15 km de Sidi Fredj, commune frontalière située à 60 km au sud du chef-lieu de Souk Ahras, n'a vraisemblablement pas joui des bienfaits de l'indépendance. Elle est l'une des plus défavorisées de Souk Ahras et des plus pauvres du pays, dont les 5000 habitants vivant dans la précarité la plus extrême. Avec la dizaine de mètres seulement la séparant du voisin tunisien, tous ces ingrédients réunis ont fait d'elle le terrain de prédilection des contrebandiers. Bon nombre d'entre eux étaient des représentants d'institutions, d'administrations d'après des gérants de stations-service. Ils ont été même unanimes, à admettre que l'ultime point de chute d'environ 30 à 40% des 800 à 900 m3 livrés chaque jour par l'antenne commerciale locale de Naftal n'est autre que Ouled Abbès. Nos interlocuteurs, faut-il le signaler, arrivaient à peine à voiler leur sentiment d'impuissance à maîtriser la situation en raison de la complexité de l'enchevêtrement des intérêts en jeu et de l'ampleur inquiétante prise par la contrebande de gasoil, devenue un véritable phénomène de société. Les différentes localités et bourgades des wilayas frontalières, présentent un décor sidérant. Partout la présence de jerricans de carburant est frappante, notamment en l'absence de tout point de vente formelle. Nous avons poussé à bout notre curiosité en usant de tous genres d'astuces, pour en savoir plus sur la provenance de ce produit inflammable, mais aucun de nos interlocuteurs, n'a voulu dévoiler l'origine du carburant qui se vend et qui coule à flots. Il est même difficile de croire qu'il existe des stations-service dans le reste des régions frontalières avec la Tunisie. Pourtant, seulement pour la région de Souk Ahras, on compte une station dans chaque région, totalisant ainsi sept: - El Hdada, El Khdara, Zarouria (hammam Tessa), Aïn Zana et Ouled Driss - deux à El Mrahna, littéralement englouties par le flot de «petits points de vente» de gasoil de contrebande. Il n'est pas exagéré de dire qu'au niveau des mechtas et bourgades de cette même wilaya, le carburant issu du trafic est vendu dans des jerricans de 20 litres, la nuit, à même les garages, les étables, les poulaillers et les pièces de maisons mises en location par leurs propriétaires moyennant 4000 à 5000 DA. Autre mode opératoire, mis en place par les populations de ces zones frontalières, celui des tranchées creusées d'une longueur de 20 à 40 mètres de long, mises à la disposition des contrebandiers à raison de 1000 DA la journée, pour y cacher les bidons de carburant. Même constat observé dans la wilaya de Tébessa et Khenchela. Quant à la wilaya d'El Tarf, bien qu'elle soit, elle aussi un point de passage important de milliers de litres de carburants, elle demeure néanmoins au bas de l'échelle, comparativement aux wilayas citées ci-dessus. Ayant toutefois, un seul point commun, elles sont régies par une mafia qui n'est pas prête à baisser les bras.