La guerre au Yémen pose un cas d'école en ce sens qu'elle n'obéit à aucune norme établie d'affrontements militaires entre deux parties. Relevons d'abord que les frappes contre les groupes houthis, par la coalition menée par l'Arabie saoudite, l'ont été à la demande d'un gouvernement yéménite peu représentatif des intérêts de son peuple. Si l'on examine la situation qui prévalait au Yémen entre janvier et mars 2015 - date à laquelle l'Arabie saoudite a commencé les raids contre ce pays - on observe que le mandat du président Mansour Hadi s'est achevé en février. Or, celui-ci démissionna de son poste en janvier, avant de se replier dans le sud du pays à Aden d'où il rejoignit Riyadh. C'est un président démissionnaire et en exil qui demanda, subséquemment, une intervention militaire étrangère contre les rebelles chiites. Si le droit international admet qu'un pays en aide un autre en difficulté, il est pertinent de se demander sur quels critères est fondée l'intervention militaire du C.C.G. et de l'Egypte au Yémen. En conséquence, un mois, jour pour jour, après les premiers raids de l'aviation saoudienne contre le Yémen on est en droit de s'interroger sur la légalité - le droit international a-t-il encore sa signification première justifiant l'entrée en guerre d'un pays? - de l'intervention militaire de la coalition monarco-égyptienne. Il est patent que le bien-fondé de la guerre imposée au peuple yéménite est encore à démontrer en sus du fait de savoir sur quelle résolution de l'ONU - en l'absence d'un gouvernement légitime à Sanaâ - Riyadh a pu mener ses frappes au Yémen. Ce qui est curieux est que dans sa dernière résolution sur le cas yéménite - résolution 2216 du 14 avril 2015 - le Conseil de sécurité ne prend pas en compte ce paramètre sommant, en revanche, les Houthis d'abandonner le pouvoir, de se retirer de Sanaa et de cesser (alinéa d) «toute action relevant exclusivement de l'autorité du gouvernement légitime du Yémen». Or, toute la question est à juste titre là: qui gouverne le Yémen, quel en est [actuellement] le pouvoir légitime si l'on excipe du fait que Mansour Hadi [dont le mandat est achevé] est également démissionnaire et en exil, son gouvernement est dispersé? En fait, dès lors qu'il n'existe plus d'administration, que l'armée est désorganisée, dans l'incapacité d'accomplir sa mission de défense qui, au Yémen, est donc habilité à prendre des décisions au nom de l'Etat? Dit autrement, l'autorité au pouvoir est - selon nombre de constitutionnalistes - «celle qui contrôle l'Etat, représenté par un territoire et des forces armées [...]. Aussi, les autorités yéménites qui ont fait appel à l'intervention militaire étrangère, qui ne contrôlaient plus le Yémen, ne représentant qu'elles-mêmes, n'avaient pas de légitimité si ce n'est celle que lui accorde le soutien des habituels impérialismes, responsables directs et/ou indirects, des situations chaotiques en Libye et en Syrie. De fait, l'opération saoudite est soutenue de manière multiforme - logistique, renseignement, livraisons d'armes - par les Etats-Unis et la France en particulier. Ceux-là même qui sont derrière les tragédies que vivent les Libyens, les Syriens et les Irakiens (l'Irak ne s'est plus relevée depuis l'invasion militaire américaine de mars 2003). De fait, beaucoup d'incohérences sont relevées dans la manière avec laquelle le cas du Yémen a été traité, singulièrement par le Conseil de sécurité de l'ONU qui semble donner quitus à ceux qui veulent remodeler [par la force] le Moyen-Orient. Autre fait, dans une lettre au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, Mansour Hadi s'appuyant sur l'article 51 de la Charte de l'ONU, demande une assistance. Or, fait-on remarquer, l'article 51 est «applicable lorsqu'un Etat fait usage de la force sur le territoire d'un autre Etat ou pour répondre à une attaque de l'extérieur». Le conflit yéménite, un conflit national, n'entre donc pas dans cette catégorie, dès lors que l'article évoqué régit uniquement les conflits internationaux. Il semblerait même, estiment des juristes, que le droit international aurait été violé, avec la connivence d'un Conseil de sécurité aux ordres alors que sa mission est censée être d'appliquer et de protéger la charte de l'Onu. D'où l'interrogation: que se cache-t-il derrière cette guerre illégale au Yémen, qui prépare d'autres tourments et entourloupes pour le monde dit «arabe»?