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L'horreur mécanique
STRATEGIE DES GROUPES ARMES
Publié dans L'Expression le 22 - 08 - 2001

La recrudescence de la violence montre que la localisation des attentats terroristes épouse une configuration géographique qui traduit une certaine logique de cette macabre dynamique.
C'est le journaliste et essayiste italien Pier Paolo Pasolini qui incitait à déceler, à travers le chaos de l'actualité immédiate, les rouages et mécanismes d'une éventuelle logique du déroulement des événements et de leurs (re)présentations à l'opinion. C'est toute la modeste aspiration de ce qui suit.
Depuis le 4 juillet dernier, et selon les recoupements entre les bilans officiels et le décompte de la presse, 22 attentats ont eu lieu. Géographiquement, ces actes sont localisés ainsi : 8 attentats dans la région ouest du pays (Chlef, Mascara, Saïda, Aïn Defla, Relizane et, à l'ouest d'Alger, Tipasa) ; 7 à l'Est (Tébessa, Jijel et à l'est d'Alger, Tizi Ouzou, Bouira et Boumerdès) ; 5 au sud d'Alger (Ksar El-Boukhari, Médéa et Blida) et deux attentats dans le Sud-Ouest (Tissemsilt, Tiaret).
La disposition géographique de ces opérations laisse découler plusieurs constats. Le premier concerne la répartition de ces actes autour du massif montagneux de l'Ouarsenis qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres et qui trace une ligne médiane entre la wilaya de Saïda (environ 430 km d'Alger) à l'ouest et l'axe Blida-Ksar El-Boukhari (à environ 100 à 200 km au sud d'Alger). Ainsi les attentats commis durant la période juillet-août dans les wilayas de Saïda, Mascara, Relizane, Tissemsilt, Chlef, et Tiaret forment un circuit oval autour de l'Ouarsenis avec des «hypertrophies» d'actions du côté de la wilaya de Tipasa, de Blida et de Médéa.
Ces hypertrophies sont traduites sur le terrain par autant d'opérations terroristes dont l'audace est toujours poussée un peu plus loin. On citera dans ce cas de figure les attaques terroristes contre une famille à Aïn Tagouraït en bordure de la route, la nuit du 22 au 23 juillet et au Complexe touristique de Tipasa la nuit du 24 au 25 juillet. C'est l'une des rares fois où les terroristes ont osé frapper dans des zones très proches des concentrations urbaines. Le même cas de figure est remarqué à Berrouaghia dans la wilaya de Médéa où 12 personnes ont été assassinées dans la nuit du 16 au 17 juillet dernier.
Plusieurs observateurs avaient estimé que ces attaques répondaient à une stratégie d'étouffement de la capitale et d'une campagne de mise sous pression des autorités publiques à la veille de la tenue du Festival mondial de la jeunesse.
Justement, la majorité des attentats de ces deux derniers mois est géographiquement disposée en forme de ceinture dont le bout démarre de l'axe Boumerdès-Tizi Ouzou pour se terminer à l'Ouest dans la wilaya de Tipasa. Le Sud de ce demi-cercle est localisé dans la région de Médéa-Ksar El-Boukhari.
Nous avons donc deux importants ensembles d'action, deux grandes zones d'activité et de déplacement, l'un autour du massif de l'Ouarsenis et l'autre qui encercle la région centre. A l'intersection de ces deux grands ensembles, s'étend le fameux triangle de la mort de La Mitidja : Blida-Médéa-Ksar El-Boukhari. C'est dans cette même région que l'armée a opéré la semaine écoulée un très large ratissage dans le maquis de Kherbed Sioud Draq à Ksar El-Boukhari. Durant cette opération, cinq terroristes ont été éliminés dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 août. On dénombre aussi deux militaires blessés lors de cette même offensive des forces de sécurité. Cette région semble être le noeud gordien de la stratégie des groupes terroristes pour deux raisons. Primo, l'alternance, chronologiquement parlant, entre les attentats à l'Est et à l'Ouest sans oublier le Sud de la région Centre, laisse à penser qu'une sorte de coordination d'actions ou autre accord tacite existe entre les groupes et groupuscules terroristes de l'Est et de l'Ouest, et cette «intersection des deux grands ensembles» peut bien être une zone de contact entre les éléments des groupes armés. Secundo, l'importance des axes routiers du sud d'Alger et la proximité relative de la capitale nourrissent l'opportunité de réactiver la cellule terroriste d'Alger. A la fin du mois de juillet, les services de sécurité ont abattu deux terroristes à Kouba et un à Meftah, empêchant, pour l'instant, le «groupe d'Alger» de refaire surface.
Mais face à l'opacité de la situation sur le terrain et l'éclatement des GIA, il reste difficile de tracer une logique clairement définie de la stratégie de ces escadrons de la mort. Seule une lecture plus large et plus rigoureuse des événements saura apporter, du moins, un semblant de cohésion dans ce tumultueux amas de bruits et de fureur.
En procédant à nos propres recoupements, nous avons tenté de tracer la cartographie des groupes terroristes qui activent dans la région de Médéa.
Au Centre et au Sud-Est, 84 éléments du GIA (chiffre officiel) sont divisés en plusieurs groupuscules, dont le plus sanguinaire est celui de l'émir Kara, un rescapé de Rebaïa.
Au Sud-Ouest, c'est le Gspc, dirigé par Abdelkader Saouane, (94 éléments) qui, lui, cible les porteurs d'armes tout au long de l'axe Ouled Antar-Ouled Hellal-Derrag, en dressant des faux barrages rapides et meurtriers.
L'une des caractéristiques les plus importantes, enregistrées depuis l'année dernière, est le déplacement des attentats de la périphérie du chef-lieu (Bati, Ketiten) vers les zones de Benchicao, Ouzera et Berrouaghia. Ce qui laisse supposer que le couloir Tamezguida-Ouamri-Draâ Smar est momentanément abandonné au profit de l'axe Chréa-Ouzera-Benchicao en alternance avec le circuit Mongorno-Berrouaghia, aire d'activités des groupes de Moudjbeur et de Rebaïa.
Les considérations naturelles (forêts, maquis) n'expliquant pas cet acharnement, le changement géographique tactique et l'extrême mobilité du GIA sont l'exact pendant de cette concentration d'attentats dans les trois communes citées.
Bilan sécuritaire (1992-2001)
- 3 000 personnes assassinées (entre civils et militaires)
- 120 milliards de dinars de dégâts
- 600 terroristes abattus et 80 autres arrêtés
- 100 armes récupérées
- 200 bombes neutralisées
- Plusieurs casemates détruites et des réseaux de soutien démantelés.


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