«Il faut définir d'abord les deux parties en conflit». Dans une «sortie» inopinée et qui tranche carrément avec le ton mesuré qu'il adopte généralement lorsqu'il s'adresse à la presse, avec laquelle il avait eu dans le passé des relations agitées, Ahmed Benaïcha, ancien chef de l'Armée islamique du salut (AIS, branche armée du FIS, Ndlr) estime que les mesures d'apaisement prises par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, «trouvent, et trouveront encore, un clan d'éradicateurs qui empêcheront leur aboutissement». «La politique, de réconciliation nationale est une option juste et courageuse, et le président de la République, qui est issu de l'école nationaliste, non de l'école intégrationniste, sait que c'est l'unique issue pour ramener la paix, mais il se trouve que les partisans de l'exclusion des islamistes et le clan des éradicateurs, très présents dans tous les segments des cercles de prise de décision, joueront leur va-tout à empêcher, ou pour le moins, à gêner, toute action qui tendrait à la concorde et la réconciliation nationale», a ajouté l'ancien émir pour la zone ouest de l'Armée islamique de salut. Ahmed Benaïcha a qualifié le «départ» du général de corps d'armées, Mohamed Lamari, de «bonne chose» pour le pays et pour le projet de réconciliation nationale, car, estime-t-il, «l'homme était bel et bien un des porte-drapeaux des éradicateurs». Il semble bien que cette critique acérée, vient du fait que l'ancien patron de l'armée algérienne se soit montré toujours intransigeant envers les islamistes, y compris les groupes trêvistes et concordistes, du genre de l'AIS, et n'a jamais voulu reconnaître publiquement que des accords avaient sanctionné le rapprochement ANP-AIS et abouti à la trêve unilatérale décrétée par Madani Mezrag, émir national de l'AIS, et qui a prit effet le 1er octobre 1997. En juillet 2002, Mohamed Lamari, qui avait tenu une conférence de presse organisée à l'Académie militaire de Cherchell, avait eu ces mots malheureux qui avaient soulevé un tollé général au sein des leaders de l'AIS: «Il n'y a pas eu d'accords avec l'AIS, c'est tout juste si j'ai ordonné à Fodhil, ici présent (le commandant de la 1re Région militaire, Fodhil Chérif Brahim, Nldr) de les faire descendre des maquis sous peine de les écraser». Revenant sur l'incident, Benaïcha précise qu'il existe bel et bien des accords signés et consignés à la direction de l'AIS et qu'il serait vain de revenir là-dessus, «le tout, estime-t-il, est d'appliquer à la lettre les clauses de l'accord, et qui sont de nature à ramener plus de paix dans les coeurs». Face à cette brusque «sortie» médiatique de Benaïcha, le chef national de l'AIS garde toujours le silence et surveille avec circonspection les soubresauts de la vie politique. «Il n'y a pas de motifs de se réjouir, comme il n'y a pas de raison d'être pessimiste. Les choses bougent, mais restent opaques. Nous attendons que toute cette polémique s'arrête et que les choses soient assez claires pour pouvoir les évaluer réellement». Les leaders de l'ex-FIS eux-mêmes se gardent de tout commentaire sur l'évaluation de trois années de concorde civile. «Ce n'est ni une réconciliation, ni une non-réconciliation. Les choses se sont arrêtées à mi-chemin au point que nous ne savons plus où nous en sommes entre une guerre qui n'a pas fini et une paix qui ne vient pas encore», estime Abdelkader Boukhamkham, un membre de la direction politique du parti dissous. «Il faut définir d'abord les deux parties en conflit pour pouvoir les réconcilier», souligne-t-il avec une pointe d'ironie.