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«Le départ de Lamari sera bénéfique pour la réconciliation»
AHMED BENAICHA COMMENTE SEPT ANS DE TRÊVE
Publié dans L'Expression le 03 - 10 - 2004

A ce jour, les contours politiques de la réconciliation nationale demeurent mal définis.
Le 1er octobre 1997, l'Armée islamique du salut (AIS, branche armée du FIS, ndlr) annonce une trêve des hostilités, dépose les armes de façon unilatérale et inconditionnelle et se met sous l'autorité de l'armée. Les principaux chefs qui ont signé cet «accord historique» avec l'ANP sont Madani Mezrag à l'Est, Ahmed Benaïcha à l'Ouest, Mustapha Kertali au Centre, et Ali Benhadjar à Médéa.
En 1999, Abdelaziz Bouteflika succède à Zeroual et donne une couverture politique et juridique à cette trêve sécuritaire. Le 13 janvier 2000, les autorités algériennes annoncent l'autodissolution de ces groupes armés «trêvistes». Pourtant, l'AIS, constituée en majorité de cadres du FIS continue d'activer la vie politique, notamment lors des grandes consultations électorales. Les chefs de l'AIS continuent d'appuyer l'option du Président, mais se montrent de plus en plus sceptiques vis-à-vis du «programme concorde», qui semble avancer, reculer, piétiner, tourner en rond et s'effriter. Entretien avec l'un de ces chefs qui a brillé ces derniers temps en critiquant de manière fort virulente le général de corps d'armée, Mohamed Lamari.
L'Expression: Vous continuez de parler d'une concorde et les autorités d'aller vers une réconciliation, mais les contours de l'une comme de l'autre restent opaques, flous, mal définis. Qu'en pensez-vous?
Ahmed Benaïcha: En fait, c'est la complexité de la crise et l'enchevêtrement de ses causes, de ses résultats et de ses dégâts qui donnent cette impression. Cependant, nous pouvons objectivement parler de choses concrètes et de résultats positifs depuis que l'AIS a décidé de déposer les armes en 1997. La situation politique et sécuritaire s'est beaucoup améliorée, et peut-être disons-le, la stabilité relative de cette situation a duré plus que de raison, et n'a pas permis d'aller vers une véritable réconciliation nationale.
Les autorités insistent sur la nécessité d'aller de la concorde civile à la réconciliation nationale, mais refusent de définir les parties à concilier. N'y a-t-il pas maldonne dans ce dialogue de sourds?
Certainement, oui. Mais, écoutez, nous pouvons diverger sur la définition de l'eau et de ses propriétés, mais il n'y a pas de doute, nous ne pouvons que tomber d'accord sur l'existence de l'eau et de ses bienfaits.
Cela étant dit, nous pouvons diverger sur beaucoup de choses qui concernent les organisations, les dénominations ou les credos qui constituent la vie politique, mais tout le monde sait que la nature du conflit qui nous intéresse concerne la lutte que mènent ceux qui veulent laisser le peuple algérien sous le joug contre ceux qui combattent pour que le peuple algérien soit seul responsable de ses destinées, c'est un combat à mort qui oppose le clan des «éradicateurs», avec à leur tête les communistes, aux islamistes et aux nationalistes, dont nous faisons partie. Là réside la source même du conflit.
Vous avez parlé dernièrement de «cercles puissants» qui tentent de freiner la réconciliation nationale. Celui que vous qualifiez de «porte-drapeau» des éradicateurs, Mohamed Lamari, est parti, et le président Bouteflika a véritablement les coudées franches pour mener la paix à son terme...
Non, non. Lamari est un peu l'arbre qui cache la forêt, et derrière lui se tient aux aguets toute une faune de prédateurs. Mais il est vrai que son départ peut permettre au président de la République d'aller avec plus de liberté vers une politique de paix réelle.
Qu'est-ce qui empêche les autres groupes armés de négocier une trêve, si la paix est à ce point une «affaire d'Etat»?
Ce que je peux dire, moi, c'est que la crise algérienne est bel et bien une crise politique, et il est vain et périlleux à la fois de privilégier la voie de l'option militaire ou sécuritaire. Bien sûr, le choix des armes trouve encore d'assez bons panégyristes d'un côté comme de l'autre de la crise qui a secoué l'Algérie, et qui n'en finit pas de faire des morts.
Beaucoup de dirigeants politiques du FIS, et même Ali Benhadjar, un des signataires des accords ANP-AIS, pensent que la trêve avait été un leurre, un faux fuyant, et que les autorités n'ont pas respecté les clauses de l'accord-cadre d'octobre 1997. Pourquoi tant d'optimisme de la part de l'AIS?
Il est de notoriété pour le commun des mortels que les autorités n'ont pas respecté tous leurs engagements, et que le peu qu'elles ont respecté et appliqué a pris énormément de temps. Mais est-ce là une raison pour dénigrer la trêve, pour occulter toute cette éclaircie sécuritaire, pour ne pas voir que près de 90% des actes de violence qui agitaient l'Algérie avant octobre 1997 ont totalement disparu et que, jour après jour, notre pays recouvre la paix.
Beaucoup de «trêvistes» se plaignent des restrictions politiques draconiennes dont ils font l'objet actuellement et de l'impossibilité d'activité légale même après la trêve et la promulgation de la concorde civile...
La Constitution algérienne garantit l'activité politique à tous et l'Etat algérien doit respecter cette Constitution. Quant aux activités politiques, aux choix et au cadre de cette activité, c'est aux islamistes issus du FIS d'en envisager la faisabilité et d'en tracer les contours...
Mais il semble bien que l'atomisation de ce parti interdit toute cohésion. Nous l'avons bien observé pendant la campagne électorale d'avril 2004 : certains leaders du parti dissous ont appuyé Bouteflika, d'autres l'ont carrément renié pour soutenir Benflis, alors qu'une bonne majorité, dont Madani et Benhadj, ont préféré rester en dehors de ces enjeux politiques affichant une circonspection et une suspicion argumentée...
Oui, évidemment... Le FIS avait été le confluent d'une très large variété d'avis et d'opinions politiques. Le cadre politique qu'avait constitué le parti a réussi à en atténuer les aspérités et de diriger toute cette force exceptionnelle vers des objectifs définis, avec la réussite que l'on sait. Aujourd'hui, chacun tente de donner son avis, de faire sa propre interprétation des choses, et il est tout à fait logique d'aboutir, de ce fait, à une espèce de cacophonie. La disparition du cadre légal (le parti) et la dispersion des leaders ont abouti à cette variété dans les opinions et les prises de position politiques.


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