Selon la voix la plus autorisée du pays, ils étaient - au tout début du troisième millénaire - quinze. Combien sont-ils aujourd'hui les barons de l'import-import? Cent? Cinq cents? Sans doute un bon millier, si ce n'est plus. Cela en restant réaliste et modéré. Or, le marché informel neutralise l'exercice légal et justifié du commerce - sous toutes ses formes - induisant un manque à gagner pénalisant pour l'économie nationale. D'autant plus que la production nationale insignifiante et marginalisée contraint le pays à importer l'essentiel de ce qu'il consomme. C'est dans ce contexte à tout le moins fâcheux et défavorable que l'Algérie négocie son accès à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Or, la question est essentielle, l'Algérie est-elle mûre pour ce saut qualitatif vers l'économie de marché? Surtout si l'on excipe du fait qu'il n'existe pas de gardes-fous protégeant la production nationale - règle d'or de toute économie soucieuse de son indépendance - ou bien sont-ils inefficaces du fait de la bureaucratie, plus certainement de la corruption? Ainsi, l'Algérie se paye le luxe d'ignorer les conditions sine qua non d'exercice du commerce, strictement observées par les maîtres de la libre entreprise: les Etats-Unis et l'Union européenne en particulier. Il n'y a qu'à se référer aux batailles acharnées que se livrent Américains et Européens pour protéger leurs productions de blé et d'acier, industrielles ou de service, pour ne citer que cet aspect récurrent de l'économie et du commerce internationaux. Poussée par le FMI, la Banque mondiale et les pays industriels - attentifs à trouver des débouchés à leur surplus de production -, l'Algérie n'a engagé aucune étude de faisabilité indispensable et préalable à cet accès à l'OMC se caractérisant par l'existence d'un fonds industriel, une agriculture performante, des services concurrentiels. Personne ne l'ignore, le commerce international est une jungle où seuls les pays ayant les reins solides - s'appuyant sur une large assise industrielle, agricole et de service - sont capables d'éviter ses chausse-trapes et ses mauvais coups. Partout dans le monde, singulièrement chez les puissances industrielles, les intérêts nationaux priment sur toute autre considération. On ne se lance pas tête baissée dans une entreprise telle que ladhésion à l'OMC, alors que le professionnalisme est une norme inconnue. Nonobstant cet handicap fort sérieux, notre pays n'ayant ni l'expérience, ni les textes de lois propres à protéger la production nationale - laquelle est déjà asphyxiée par des importations anarchiques qui ont mis bas notre édifice productif national - fonce dans le mur. Cela risque en fait de remettre durablement en question notre développement économique. L'import tous azimuts et sans expertise a mis à mal la production nationale. Qu'en sera-t-il lorsque les multinationales - qui disposent de moyens matériels logistiques et financiers colossaux - auront libre accès au pays et investiront le marché national? Que vont opposer les producteurs nationaux désarmés, à ces géants du commerce international? Ceci pour dire toute l'impréparation avec laquelle l'Algérie va entrer dans un marché concurrentiel où notre production aura du mal à se mesurer à des sociétés hautement performantes. Cette impréparation est induite par la montée en puissance du marché informel, où les trabendistes se sont taillés de véritables baronnies faisant main basse sur d'importants secteurs de l'économie qui échappent au contrôle de l'Etat. Ainsi, des localités du pays sont devenues des hauts lieux du marché informel au détriment de la production nationale d'une part, du Trésor public d'autre part. Il n'est même pas besoin d'insister sur le fait que ces importateurs sont pour nombre d'entre eux (sept sur dix, selon une note, il y a quelques années, de la Banque d'Algérie) des faux-vrais importateurs catalogués EPC-NL (existence pas confirmée, ou non localisés). Ces faux commerçants qui brassent des milliards n'en ristournent aucun centime à l'Etat et n'en investissent pas davantage dans des activités légales. Aussi, 60% à 80% de ces «importateurs» n'ont pas d'existence légale. Ce qui donne une vision du désastre qui est celui de ce secteur stratégique de l'économie et du commerce, qui risque encore de s'aggraver. De fait, quand le moment de s'assumer sera arrivé, les Algériens ne seront pas prêts et désarmés, comme cela se vérifiera sans doute au lendemain de l'entrée de l'Algérie à l'OMC induisant la libération du commerce extérieur du pays. Le cauchemar ne fera alors que commencer.