Cannes se prépare à entamer le virage, avant la dernière ligne droite... Pour cette 68e édition, pas moins de 12.000 participants déferlent sur la Croisette: producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants de salle et critiques venant du monde entier pour faire battre le coeur du cinéma au rythme des pulsions du monde qui nous entoure... La particularité de ce 68e clap cannois, est le fait que sur les 19 films (dont 11 européens), neuf ont été tournés en langue anglaise dont six de pays non-anglophones. Pour les producteurs, les réalisateurs et les comédiens, il n'y a donc plus de frontière, car il est plus aisé de produire et vendre un film parlé en anglais. Au risque certainement de perdre une certaine authenticité. Et L'Afrique dans tout ça? Cette «anglicisation» a atteint même le jury. En effet, ces 10 dernières années, sept présidents étaient de langue anglaise (USA Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande) dont cinq Américains. Même à Cannes, dans le pays de Jean Renoir et Jean Vigo, le français semble en perte de vitesse. Le continent noir est sauvé in extremis par la sélection en dernière minute de Lamb, premier long-métrage de Yared Zeleke, dans la section Un certain regard. Une première pour un film éthiopien. Et en séance spéciale, Hors Compétition, Oka du Malien Souleymane Cissé (Prix du jury 1987 avec Yeleen), sur la spéculation financière au Mali. La chanteuse - malienne, également - Rokia Traoré (Grand Prix Sacem des musiques du monde 2014 avec son dernier album Beautiful Africa), fait partie du jury officiel. Le cinéma arabe, lui aussi absent des écrans cannois, encore une fois, a reçu son lot de consolations en la présence des cinéastes, saoudienne Haifaa Al-Mansour, libanaise Nadine Labaki et du comédien Tahar Rahim, au jury Un certain regard présidé par Isabelle Rossellini. La présence de l'Algérie se «niche», comme en contrebande, dans la Palme d'or d'honneur qui sera remise à Agnès Varda lors de la cérémonie de clôture, récompense décernée à un cinéaste de renom, dont l'oeuvre fait autorité dans le monde mais qui n'a pourtant jamais reçu le Saint Graal. La guerre d'Algérie Suprême honneur pour cette cinéaste française qui a construit une filmographie si singulière et si attachante. «Son oeuvre et sa vie sont portés par un souffle de liberté, un art de repousser les limites, une détermination farouche et une conviction qui se rit de tous les obstacles: elle semble capable d'accomplir tout ce qu'elle désire», explique le festival. Dans Cléo de 5 à 7, réalisé en 1961, un jeune permissionnaire flâne à Paris avant de rejoindre son régiment en Algérie. Dans un taxi, on entend pendant plusieurs minutes un bulletin d'actualités à la radio, qui relate les émeutes dans le Constantinois. Une prise de position sans ambiguïté contre la guerre d'Algérie.