Le président de la République Lors de conflits civils, les représentations sociales sont soumises à des changements abrupts: les voisins ont pu devenir des «ennemis», l'espace et le territoire ont changé, de nouvelles élites sont apparues sur la scène politique et sociale. Dans une conjoncture nationale et internationale dominée par des luttes et des conflits, l'Algérie a su garder le cap en se consacrant à de nombreuses réalisations, grâce à la réconciliation initiée par le chef de l'Etat. Accusé de collusion avec des forces obscurantistes, le président de la République Abelaziz Bouteflika n'a fait pourtant que reprendre à son compte l'élément central qui a permis aux grandes nations de se construire et de devenir des acteurs actifs et influents dans les relations internationales. La question de la réconciliation et les politiques qui s'y attachent ont fait couler beaucoup d'encre ces deux dernières décennies, et pour cause. Vecteur d'harmonie sociale, de catharsis nationale, de transformation post-coloniale ou de rapprochement entre les peuples, la réconciliation fut très largement invoquée par les nations à la fin du XXe siècle. Dans les pays développés surtout, la réconciliation prit d'abord une dimension politique, pour finalement s'inscrire au coeur des sociétés. D'idéale, elle fut transformée en instrument politique et social, dans la mesure où ces sociétés virent en elle l'occasion et le moyen de résoudre les tensions sociales et de construire un futur citoyen pacifié, radieux. Notre intervention traite de cette Réconciliation nationale en particulier, mais celle-ci ne prend son sens que si l'on comprend ce que l'idéal ou le concept de «réconciliation» implique ou véhicule de manière générale. En essence, la réconciliation a pour objectif un retour à l'harmonie, à la création de conditions nécessaires au développement de chaque société ou un rapprochement entre les peuples, sans toutefois imposer un modèle de relation quelconque. Elle s'inscrit dans un processus de reconnaissance, débouche généralement sur des mesures de réparation et aboutit idéalement à des réformes politiques nécessaires. Néanmoins, le sens de ces réformes n'est pas imposé par l'idéal de réconciliation. Le sens de la Réconciliation nationale La réconciliation ne porte pas en elle un projet de société précis, pas plus qu'elle n'impose les modalités du «vivre-ensemble», ou de la cohabitation entre les peuples. Il suffit de voir l'éventail de sociétés qui firent d'elle une politique nationale pour en être convaincu; la réconciliation est un idéal suffisamment large pour être invoqué à des fins très différentes. Le cadre posé par la réconciliation reste ainsi suffisamment ouvert pour permettre aux nations de développer des politiques et des logiques de société très différentes les unes des autres, sans déroger à ses grands principes. Par conséquent, la question n'est pas de savoir si ou comment les nations se conforment à l'idéal de réconciliation qu'elles revendiquent. Parce qu'il tolère différents projets de société, cet idéal n'implique rien d'assez précis pour servir efficacement de référent, de présupposé ou de base d'analyse. L'enjeu de l'analyse est plutôt de déterminer le sens que prend la réconciliation dans chaque nation, selon l'idéal de société qu'elle défend, selon les politiques qu'elle adopte, selon les logiques de société qu'elle tolère ou encourage et, en bout de chaîne, selon les réalités socioculturelles qu'elle provoque de fait. Donc, à travers la réconciliation, il appartient au peuple de choisir le projet de société qui lui convient le mieux, sans recourir à la moindre violence politique ou intellectuelle. Retour, réconciliation, réhabilitation, reconstruction de l'Algérie. La mémoire est tour à tour décrite comme une construction et comme éruption de souvenirs, oubliés ou refoulés. La question cruciale Lors de conflits civils, les représentations sociales sont soumises à des changements abrupts: les voisins ont pu devenir des «ennemis», l'espace et le territoire ont changé, de nouvelles élites sont apparues sur la scène politique et sociale. Dans ce contexte, la représentation du conflit d'une part et celle du passé ou de l'histoire d'autre part, sont des enjeux pour la mise en place de la paix. Si l'on tente de mesurer les avantages et les désavantages, les perspectives qu'offre la réconciliation nationale pour la reconstruction d'un Etat de droit dans le cadre des valeurs universelles, ses limites et ses possibilités pour la reconquête de la pensée algérienne, ses possibilités de réintégrer les élites du pays dans la décision politique, sa force à broder à nouveau la mémoire collective et l'imaginaire collectif, on peut dire que les avantages l'emportent et que le champ des possibilités est plus fertile, plus large et plus sécurisant pour l'avenir des futures générations. Dans le cas de l'Algérie, la question cruciale est celle de savoir s'il y a ou non un rôle pour la réconciliation dans les conflits qui n'ont pas encore été réglés et encore moins résolus, et où la violence continue de constituer une menace très réelle et, de fait, une réalité en cours. Certains soutiennent que ce n'est qu'avec la sécurité fournie par un accord que les parties à un conflit peuvent commencer à s'engager dans un processus de réconciliation. Cependant, on peut dire qu'il n'est jamais trop tôt pour penser à la réconciliation. La réconciliation est un processus, pas une fin et il n'est jamais trop tôt pour commencer. Il est risqué de croire que ces défis peuvent être relevés seulement une fois qu'un conflit a cessé. Une approche plus positive consiste à reconnaître que c'est en faisant face à ses propres traumatismes qu'une société sera mieux capable de compatir avec ceux des autres. Les initiatives menées par chaque communauté de son côté et à travers les clivages permettront aux parties à un conflit de chercher progressivement des solutions mutuellement acceptables qui ne renfermeront pas les graines d'un nouveau conflit. Les personnes doivent porter leurs propres jugements: les personnes de l'extérieur ne peuvent pas décider en leur nom et les élites ne devraient pas décider en leur nom: la réconciliation ne concerne pas des changements de comportements et d'attitudes imposés mais des changements qui surviennent parce que ceux qui vous sont opposés vous voient agir de manière fiable, redevable, respectueuse et digne de confiance. * Professeur en médecine, inscrit à l'Ordre national des médecins à Paris - Diplômé en économie de la santé et les politiques de la santé-Membre fondateur de l'Union syndicale des étudiants algériens de France-Président du Mouvement des Algériens de France - Auteur de plusieurs publications sur l'Algérie, notamment sur l'économie, la politique et la santé en Algérie.