Les conquêtes de l'EI ont suscité des interrogations sur la stratégie de la coalition internationale mise sur pied par Washington après une percée fulgurante de Daesh, mi-2014. La coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI) se retrouve demain à Paris pour revoir sa «stratégie» après les progrès jihadistes en Irak et en Syrie, mais aussi pour convaincre le gouvernement irakien d'intégrer davantage la minorité sunnite. La réunion, à laquelle participeront 24 ministres ou représentants d'organisations internationales, doit être co-présidée par le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius, son homologue américain John Kerry et le Premier ministre irakien Haider al-Abadi. Mais John Kerry qui s'est cassé le fémur dans une chute à vélo à la frontière franco-suisse et qui a été brièvement hospitalisé à Genève hier matin a annulé sa participation pour rentrer aux Etats-Unis. «Le coeur de la réunion, c'est l'Irak mais compte-tenu du champ d'action (des jihadistes de l'EI) et de l'imbrication de la situation, la Syrie sera également évoquée», a expliqué le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal. Selon lui, la rencontre doit d'abord permettre aux participants d' «échanger sur la stratégie de la coalition, à un moment où la situation sur le terrain est particulièrement fragile». En Irak, les jihadistes de l'EI ont enregistré une victoire majeure le 17 mai en s'emparant de la ville de Ramadi, chef-lieu de la plus grande province du pays, Al-Anbar. En Syrie, ils sont entrés le 21 mai dans la ville antique de Palmyre (centre), classée au patrimoine mondial de l'humanité. Face aux réticences à déployer des troupes, elle consiste à mener des raids aériens (près de 4.000 en dix mois) et à former des soldats irakiens pour l'action au sol (10.000 hommes). Mais les raids ont peu de prises sur les «camions bombes» que des kamikazes de l'EI utilisent de plus en plus. Et les efforts de formation n'ont pas empêché une débâcle de l'armée irakienne à Ramadi. Le secrétaire à la Défense américaine Ashton Carter a mis en cause «la volonté» de l'armée irakienne «de se battre», mais les experts estiment qu'elle souffre surtout d'un manque d'armes, d'encadrement et de logistique. La reconstitution d'une armée solide pâtit aussi des luttes confessionnelles dans le pays. Depuis le renversement du régime sunnite de Saddam Hussein en 2003, le pouvoir est dominé par la majorité chiite et le pays est régulièrement secoué par des violences entre ces deux branches de l'islam. Depuis 2014, la coalition anti-EI a mis l'accent sur la formation de militaires sunnites en pensant qu'ils seraient plus légitimes à combattre les troupes de l'EI, également sunnites et implantées dans des régions à majorité sunnite. Mais la défaite à Ramadi a poussé le Premier ministre à faire appel à une puissante milice chiite qui a permis samedi de reprendre l'ouest de la ville. Un choix vivement critiqué par le Pentagone. La réunion de Paris vise donc aussi à faire passer «un message fort» au gouvernement irakien pour qu'il inclue davantage les minorités sunnites mais aussi kurdes, selon le ministère des Affaires étrangères français. «Nous avions lié le soutien militaire de la coalition à des engagements politiques de la part du nouveau gouvernement irakien. Ce que nous appelons une politique de rassemblement inclusive», a rappelé cette semaine Laurent Fabius. «Ce contrat (...) doit être désormais mieux respecté». Or «repousser l'EI sera seulement possible en incluant une partie de la population sunnite», estime Guido Steinberg, expert à la «Fondation économie et politique» à Berlin. Selon lui, «il manque une approche politique, qui rendra possible une lutte effective contre l'EI au sol. C'est pour cela que les raids des Américains et de ses alliés tombent un peu à plat».