La Libye est devenue incontrolable Nous sommes loin des scénarios hollywoodiens où les terroristes s'en prenaient à des étrangers, égyptiens et éthiopiens, notamment. Un fragile équilibre s'est définitivement rompu. L'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (Daesh) inquiète fortement les dirigeants libyens. Les deux gouvernements, celui de Tripoli non reconnu par la communauté internationale et celui de Tobrouk qui jouit de cette reconnaissance, ont réagi le même jour sans qu'il y ait de concertation au préalable. Ainsi, la «mobilisation urgente» a été très officiellement décrétée par les maîtres de Tripoli. D'obédience islamiste, le clan est soutenu par la milice Fadjr Libya. Le gouvernement qui voit les terroristes de Daesh avancer inexorablement vers la capitale, sent parfaitement le danger après l'attentat suicide perpétré dans la ville de Misrata, sur l'axe de Tripoli. Cinq miliciens de Fadjr Libya y ont trouvé la mort. «Les officiers et soldats de l'état-major de l'armée libyenne, les forces du ministère de l'Intérieur et de tous les services de sécurité ainsi que les révolutionnaires du 17-Février dans toutes les villes (...) à la mobilisation urgente», relève un communiqué de ce gouvernement non reconnu. Lu avec la solennité qu'exige la situation, le Premier ministre du gouvernement de Tripoli, appelle toutes ces forces «à ne pas laisser tomber leur patrie et à être prêtes pour défendre la terre, l'honneur et la religion». Cet appel survient quelques heures après ledit attentat qui a fait l'effet d'un séisme dans les sphères dirigeantes de Tripoli. Il faut dire que cette poussée terroriste, et principalement la cible choisie, annonce la détermination de Daesh de passer à l'action pour prendre le contrôle effectif de la Libye. Nous sommes loin des scénarios hollywoodiens où les terroristes s'en prenaient à des étrangers, égyptiens et éthiopiens, notamment. Ce gouvernement souligne dans son communiqué qu'il «est déterminé à combattre la pensée extrémiste (...) jusqu'à son éradication», et à «combattre les takfiris». Il semble donc qu'un fragile équilibre s'est définitivement rompu. Le même jour, le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a, pour ce qui le concerne, renouvelé son appel à l'aide. «Les menaces de ce groupe ne cessent de peser sur les villes libyennes et il va devenir difficile de les combattre, l'Irak en est l'exemple», a déclaré le Premier ministre Abdallah Al-Theni lors d'une conférence de presse. La comparaison avec l'Irak n'est pas opportune, mais il est clair que l'ampleur de la menace est tout de même très importante. «Nous sommes surpris que la communauté internationale n'ait pas pris une position ferme face à ce qui se passe en Libye», a ajouté M.Al-Theni, ignorant les efforts consentis par l'ONU pour amener les frères ennemis en Libye à créer un gouvernement d'union nationale pour combattre Daesh avec un maximum d'efficacité. Le premier responsable de l'Exécutif qui a les faveurs de la communauté internationale est totalement inefficace et semble adopter une attitude désespérée face à la menace de Daesh. Avec une armée assez peu déterminée, qui perd du terrain à vue d'oeil, malgré l'installation à sa tête du fameux général Haftar, le gouvernement de Tobrouk estime que la solution se trouve, non pas dans un dialogue sérieux avec l'autre aile qui contrôle une partie de la Libye, mais dans la levée de l'embargo sur les armes pour combattre Daesh. Une demande souvent formulée, mais jamais satisfaite, parce que le Conseil de sécurité craint un mauvais usage de ces armements. Le risque qu'elles tombent entre les mains des réseaux terroristes ou qu'elles aillent alimenter un trafic est très sérieux. Dans un pays déchiré par les violences entre factions rivales, les armes n'arrangent pas les choses, bien au contraire. Ces deux appels à la mobilisation urgente et à l'aide internationales confirment les propos du Premier ministre tenus récemment à Rome. En effet, Abdelmalek Sellal avait appelé à régler le problème libyen, au plus tard en novembre prochain. Dans le cas contraire, la dégradation de la situation sécuritaire serait catastrophique pour les pays du Maghreb et pour toute l'Europ occidentale. Les mises en garde de Sellal trouvent aujourd'hui leur pertinence, notamment lorsqu'on sait que Daesh a pris le contrôle d'un aéroport militaire près de la ville de Syrte et y possède six avions de combat prêts à l'usage. Même si l'on ne peut affirmer que cette organisation terroriste ne dispose pas de pilote formé dans ses rangs, il y a lieu de relever qu'il existe en son sein des éléments qui ont fait de longues études techniques. L'apprentissage du pilotage d'un avion de combat peut être maîtrisé, pour peu qu'on dispose d'assez d'informations sur le sujet, via le Net. Cette perspective est certes assez difficile à envisager, mais même en l'absence de ce genre de maîtrise technique, Daesh possède assez d'éléments, de potentiels kamikazes, pour prendre des villes libyennes et faire comme en Syrie et en Irak, c'est-à-dire s'adjuger un territoire avec des frontières extensibles.