Le thème officiel du sommet de l'Union africaine: «L'autonomisation des femmes» risque d'être éclipsé par la multitude de crises qui secouent le continent noir. La crise au Burundi et la question des migrants seront deux des sujets majeurs d'un sommet de l'Union africaine aujourd'hui et demain à Johannesburg, où les analystes n'attendent guère de décision d'une instance continentale qui s'efforce souvent d'éviter les sujets épineux. Bien que le continent affiche une croissance économique enviable, il reste abonné à une actualité de crise brûlante: la question des migrants, qui risquent leur vie par milliers pour gagner l'Europe. Les mouvements islamistes armés qui menacent les Etats depuis l'ouest du Sahara jusqu'au Kenya. La guerre civile au Soudan du Sud. Et bien sûr les violences au Burundi, provoquées par la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, inconstitutionnel selon ses opposants. Il devrait être absent, tout comme l'Egyptien Abdel Fattah al-Sissi. L'Angolais Jose Eduardo dos Santos, de retour de Chine, ne sera pas là. Envoyée spéciale du Haut commissariat aux Réfugiés (HCR), l'actrice Angelina Jolie est venue vendredi à la tribune devant les ministres défendre la cause des femmes, notamment dans les zones de conflits où le viol est utilisé comme arme de guerre et bénéficie d'une «impunité quasi-totale», pas seulement en Afrique. Alors qu'au Burundi, la crise s'enracine entre le président et l'opposition qui menace de boycotter les élections déjà reportées une fois, l'issue pourrait être capitale pour les démocrates du reste du continent. «Je pense que les deux années à venir vont être cruciales (pour l'Afrique), notamment à la lumière d'une menace nouvelle que l'on voit émerger: la question des amendements constitutionnels pour permettre aux chefs d'Etat en place de briguer un troisième, voire un quatrième mandat», commente Tjiurimo Hengari, chercheur à l'Institut sud-africain des affaires internationales. Pour Gilbert Khadiagala, chef du département des relations internationales à l'université Witwatersrand de Johannesburg, il ne faut pourtant pas s'attendre à ce que le sommet de Johannesburg débouche sur des décisions spectaculaires. «On met beaucoup de sujets à l'ordre du jour pour pouvoir faire des communiqués, pour dire que l'Afrique s'inquiète de la crise des migrations, par exemple», estime-t-il, mais «les discussions de fond entre leaders sont rares, ils préfèrent contourner les sujets qui fâchent pour éviter les frictions». Et de rappeler que le président en exercice de l'UA, le Zimbabwéen Robert Mugabe, est au pouvoir depuis 1980 sans discontinuer. Au Congo-Kinshasa et au Congo-Brazzaville, les présidents Joseph Kabila et Denis Sassou Nguesso sont soupçonnés par leurs opposants de vouloir se maintenir au pouvoir au-delà du terme de leur mandat en 2016, malgré les Constitutions de leurs pays. «Il faudrait un débat franc pour se demander pourquoi les progrès de l'Afrique, c'est toujours deux pas en avant, trois pas en arrière», insiste M.Khadiagala. Sur la délicate question des migrations, l'Afrique du Sud, hôte du sommet organisé dans le luxueux centre des affaires de Sandton à Johannesburg, s'est tristement illustrée en avril avec une nouvelle vague de violences xénophobes dirigées contre les ressortissants africains. Au moins sept personnes ont été tuées, mettant dans l'embarras le pays de Nelson Mandela, qui se veut officiellement une terre d'accueil pour les réfugiés du monde entier. A l'autre extrémité du continent, 1 800 personnes se sont noyées en Méditerranée depuis le début de l'année en tentant la traversée sur des embarcations surchargées, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ce matin, une session à huis-clos, avant la cérémonie d'ouverture, sera consacrée à ces deux sujets: migrations et xénophobie.