Tout peut ou pourrait partir du Burundi, gravement secoué par de troubles intérieurs et fragilisé par le dernier coup d'Etat avorté. Dans le contexte de l'enchevêtrement des crises régionales, marquées par l'aggravation de la situation sécuritaire en RD Congo, la quête éperdue d'un règlement négocié de la crise centrafricaine et le massacre collectif commis au Kenya par les Chebabs somaliens à l'Université de Garissa (148 morts, dont 142 étudiants), l'étincelle burundaise fait craindre un risque d'embrasement généralisé. Le retour des vieux démons de la guerre civile (300.000 morts), opposant une décennie durant (1993-2003) la communauté minoritaire des Tutsis aux Hutus majoritaires, a compromis les acquis de la réconciliation générée sous le parrainage du défunt Nelson Mandela par les accords d'Arusha (Tanzanie) conclus en 2000. Au cœur du sommet extraordinaire, convoqué en urgence le 18 mai, à Luanda, la question burundaise a constitué l'élément central de l'approche sécuritaire des chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), sous la présidence du président congolais Joseph Kabila et avec la participation du vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa représentant le président Jacob Zuma, en sa qualité de parrain des accords d'Arusha. La condamnation sans équivoque du coup d'Etat et l'attachement à la « légitimité » du président Pierre Nkurunziza fondent la position intransigeante de la CIRGL qui a appelé au report sine die des élections, du reste réaffirmée à Dar Es-salam et revendiquée par les Etats-Unis, la Suisse et l'Union européenne menaçant de suspendre leur aide. Partant, le sommet de Luanda, plaidant pour le « rétablissement rapide d'un environnement pacifié » pour favoriser le retour des réfugiés (100.000 Burundais ont regagné le Rwanda, la Tanzanie et la RD Congo), a décidé de l'envoi « le plus tôt possible » d'une délégation de chefs d'Etat et de gouvernement, composée de l'Afrique du Sud, du Kenya, de l'Ouganda et de la Tanzanie. L'initiative africaine est ainsi confortée par la démarche onusienne, multipliant, par le biais de l'envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, l'Algérien Saïd Djinnit, les rencontres à Bujumbura pour faciliter la reprise du dialogue national en vue d'élections pacifiques, transparentes, inclusives et crédibles. Des consultations ont été entamées, lundi, avec le président de la Commission électorale et poursuivies avec les partis politiques, la société civile, la communauté diplomatique, les responsables gouvernementaux et des organisations religieuses burundaises. Outre la situation centrafricaine, chargée d'un « optimisme modéré » dans la conduite du processus de paix et de réconciliation nationale, le terrorisme a fait une intrusion remarquée dans les débats. Pour la première fois, à la faveur de l'attaque criminelle des Chebabs perpétrée à Garissa et « condamnée avec véhémence » par le président angolais José Eduardo Dos Santos, la menace terroriste a été évoquée. « Je suggère que nous renforcions les moyens régionaux de lutte contre le terrorisme à travers une plus étroite collaboration entre nos agences de renseignements ainsi qu'un contrôle plus sévère de la circulation transfrontalière et de l'immigration illégale », a indiqué le président angolais. Cette prise de conscience des 14 de la CIRGL, dédiée depuis 1994 au règlement des crises politiques, intègre la lutte contre le terrorisme dans la bataille de la stabilité et de la sécurité régionale mobilisant, à la veille du sommet de Luanda, les chefs d'état-major des forces armées et des chefs d'intelligence, des ministres de la Défense et des chefs de la diplomatie.