Le gouvernement français organise aujourd'hui la première réunion d'une large «instance de dialogue avec l'islam de France» pour refonder la relation de l'Etat avec une communauté musulmane en mal de représentants et secouée par les attentats jihadistes de janvier. Entre 120 et 150 responsables de fédérations, recteurs de mosquées, imams, aumôniers, théologiens, islamologues et personnalités de la société civile, sans compter les représentants des pouvoirs publics, participeront à une demi-journée de débats au ministère de l'Intérieur. Parmi les thèmes abordés figureront la sécurité des lieux de culte et l'image parfois dégradée de l'islam - deuxième communauté confessionnelle de France, avec environ 5 millions de membres, pratiquants ou non - dans les médias et l'opinion publique. La construction et la gestion des lieux de culte musulmans (2.500 actuellement, 300 mosquées en projet) sera aussi évoquée. Comme les pratiques rituelles, la certification du halal, le nombre insuffisant d'abattoirs, les éventuels abus financiers liés au pèlerinage à la Mecque (hajj) ou le manque de carrés musulmans dans les cimetières. La radicalisation ne fera pas l'objet d'un atelier spécifique, cinq mois après les attentats de Paris qui ont fait 17 morts sans compter les trois auteurs jihadistes abattus par les forces de l'ordre. «Nous avons estimé que ce serait un mauvais message adressé aux Français et à la communauté musulmane que de le mettre à l'ordre du jour de la première réunion de l'instance», indique-t-on au ministère de l'Intérieur, qui veut éviter toute «stigmatisation». Des soufis tenants d'un islam mystique aux prédicateurs littéralistes du Tabligh, en passant par les Frères musulmans, un large éventail de sensibilités sera représenté. Seuls critères de participation, au-delà de la légitimité cultuelle des invités: «l'adhésion au principe de laïcité» et le «respect des lois et des valeurs de la République». L'exercice est délicat pour le gouvernement français: s'il souhaite avoir un dialogue plus étroit avec l'islam, ébranlé par le phénomène de radicalisation jihadiste et la montée des actes antimusulmans, il n'a pas à organiser les affaires d'une religion. «Il ne s'agit pas de créer une organisation nouvelle des Français de confession musulmane, ni de constituer une enceinte de négociation devant déboucher sur des décisions immédiates», a prévenu le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans la lettre envoyée aux invités. Plutôt de «réunir un forum d'échanges régulier» - une à deux fois par an - entre l'Etat et les musulmans. Des groupes de travail pourraient être constitués et le ministre de l'Intérieur, également ministre chargé des cultes, pourrait faire des annonces, notamment sur l'obligation d'une formation universitaire civile et civique pour les aumôniers pénitentiaires, voire le contrôle de la maîtrise du français par les imams détachés par des pays étrangers.