L'émissaire spécial de l'ONU sur le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, fait la navette entre les délégations des deux parties pour les convaincre de proclamer au moins une trêve humanitaire de 15 jours. Les deux camps au Yémen espèrent réaliser des gains militaires avant d'accepter un arrêt des combats proposé par l'ONU, estiment des experts, mais tout accord politique est encore loin d'être réalisable dans les pourparlers de Genève qui devaient s'achever hier. Jusqu'à présent, aucune percée n'a été enregistrée dans les consultations de Genève entre les rebelles chiites houthis qui continuent de progresser sur le terrain, et le gouvernement en exil en Arabie saoudite qui table sur les frappes aériennes de la coalition pour les affaiblir. Le gouvernement en exil exige que les rebelles, appuyés par les militaires restés fidèles à l'ancien président Ali Abdallah Saleh, se retirent des zones qu'ils ont conquises pour accepter un cessez-le-feu, qui inclurait l'arrêt des frappes aériennes menées par la coalition depuis fin mars. Les rebelles réclament pour leur part l'arrêt sans condition des raids. Mais selon des sources proches des négociations, ils semblaient prêts jeudi à envisager un retrait des villes sunnites d'Aden (sud) et Taëz (centre), éloignées de leur fief du nord du pays et où ils font face à une résistance armée. «Aucune partie n'a encore épuisé ses options militaires, et elles pensent toutes deux pouvoir réaliser plus de gains sur le terrain», explique April Alley, spécialiste du Yémen à l'International Crisis Group. Depuis leur entrée dans Sanaa en septembre, les miliciens de la communauté zaïdite, ont effectué une progression fulgurante dans le pays, poussant le président Abd Rabbo Mansour Hadi à l'exil. Cette avancée a été rendue possible grâce à leur alliance avec l'ancien président, qui les avait pourtant combattus lorsqu'il était au pouvoir. Un diplomate occidental qui suit les pourparlers de Genève compare cette alliance à «un mariage de raison, où chacun apporte quelque chose: les rebelles ont leur détermination, leur connaissance du terrain, leurs appuis» parmi la population, notamment les tribus qui se sont ralliées à eux. Le camp Saleh a pour sa part les troupes d'élite - garde présidentielle et forces spéciales -, «l'armement lourd, les réseaux de communication», et l'argent, ajoute-t-il. L'analyste Mustafa Alani, du Gulf Research Center, estime le nombre de miliciens houthis entre 15.000 et 20.000. Ces combattants ont été encadrés par des conseillers iraniens et du Hezbollah libanais, mais depuis le début des frappes aériennes, «ne reçoivent plus d'aide militaire de l'Iran», affirme-t-il. Quant aux troupes d'élites, elles comptaient environ 70.000 militaires mais il est difficile de savoir quelle proportion demeure fidèle à M.Saleh, selon lui. Pour leur part, les troupes loyales au président Hadi sont plus réduites en nombre et plus faiblement équipées. Avec des membres de tribus, de partis ou de simples civils, elles forment la «résistance populaire» qui tente d'enrayer la progression du camps des rebelles à Aden, Taëz et dans d'autres régions. M.Hadi, qui n'a «pas de base tribale et n'est pas fort au sein de l'armée» selon M.Alani, compte sur les frappes aériennes pour affaiblir ses adversaires. Ces frappes quasi-quotidiennes depuis le 26 mars ont affaibli le camp adverse et «détruit leurs centres de communication et leurs armes lourdes», assure M. Alani. Mais ces opérations «n'ont pas inversé la tendance sur le terrain», souligne le diplomate, les rebelles continuant d'avancer dans plusieurs régions. Si l'émissaire de l'ONU a déjà déployé des trésors de diplomatie pour essayer de parvenir à une trêve, les positions des deux parties sur le plan politique sont encore plus éloignées. Et l'ONU se préparerait à annoncer, selon des délégués, une nouvelle session de négociations sur les bords du lac Leman.