Des négociations entre les parties en conflit au Yémen se poursuivaient mercredi à Genève pour la troisième journée sous l'égide des Nations unies qui tentent de parvenir à un arrêt des combats dans ce pays, dans une atmosphère de tension et mésentente. La délégation gouvernementale s'est réunie mercredi matin avec le groupe des 16 diplomates des grandes puissances, de l'Union Européenne et du Conseil de Coopération du Golfe qui suivent les négociations. Après 48 heures d'incertitude, les représentants de la rébellion houthie qui refusaient de prendre part aux négociations avec les représentants du gouvernement en exil, ont finalement rejoint mardi la table des négociations à Genève pour contribuer à la recherche d'une issue au conflit, qui fait des centaines de morts, de blessés et de déplacés parmi les populations civiles. Depuis le début de la Conférence à Genève, le bilan n'est pas satisfaisant "Le seul point positif est que les négociations se poursuivent et qu'aucune délégation n'a claqué la porte", a expliqué un diplomate occidental qui suit les pourparlers. Les positions des deux parties sont tellement éloignées que l'ONU ne prévoit pas dans un premier temps de les réunir mais de mener des consultations séparées, en effectuant la navette entre les deux camps. Une trêve humanitaire pendant le mois de Ramadhan Observant des positions apparemment "inconciliables" entre les deux parties, l'émissaire spécial des Nations unies pour le Yémen, Ismail Ould Cheikh Ahmed, s'est vu contraint de négocier une trêve humanitaire de 15 jours, d'autant que le mois de Ramadhan commence jeudi en attendant un arrêt définitif des combats. Les parties ont convenu mardi de la nécessité d'un cessez-le-feu mais ne se sont pas encore accordées sur les détails. Ghaleb al Moutlak, du mouvement séparatiste Herak, a estimé que le cessez-le-feu proposé pourrait durer un mois avec un arrêt des raids aériens de la coalition menée par l'Arabie saoudite contre les milices houthies et les forces armées restées loyales à l'ancien président Ali Abdallah Saleh. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait aussi appelé lundi à "observer une trêve humanitaire de deux semaines à l'occasion du Ramadhan". A la recherche d'une solution politique Face à l'intransigeance des deux parties, les consultations de Genève s'annoncent difficiles. Les belligérants devraient "au mieux parvenir à une trêve de deux semaines, conditionnée par le retrait des rebelles houthis de certaines villes et au gel des frappes aériennes", ont estimé des observateurs. Lassé de "la procrastination" des rebelles, le gouvernement en exil a menacé de se retirer et de quitter la table des négociations si aucun accord n'est convenu d'ici vendredi. Le gouvernement reconnu par la communauté internationale avait annoncé vouloir discuter avec les rebelles uniquement de l'application de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui exige le retrait des rebelles des zones qu'ils ont conquises depuis l'an dernier, ce que les Houthis ont considéré comme une "entrave" à toute tentative sérieuse de régler la situation politique du pays". Les Etats-Unis, ont réagi affirmant qu'une solution politique au Yémen était "le seul moyen de régler la crise" et plaidé pour "un rétablissement rapide du processus de transition politique yéménite". L'émissaire onusien a néanmoins estimé que le simple fait de réunir dans la ville suisse les deux délégations rivales était déjà "un exploit". Situation sur le terrain "catastrophique" La rencontre de Genève intervient alors que des frappes aériennes de la coalition arabe n'ont pas pu enrayer la progression des rebelles chiites d'Ansarullah, qui contrôlent la capitale Sanaa, la plus grande partie d'Aden, deuxième ville du pays, et de larges portions d'autres provinces, forts de l'appui des unités de l'armée restées fidèles à l'ancien président Ali Abdallah Saleh. Sur le terrain, une "résistance populaire" formée des unités militaires mais aussi de tribus, de membres de partis ou de simples civils, les combats à Aden, Taëz et dans d'autres régions continuent à s'intensifier, et la situation "profite seulement à Al-Qaïda et au groupe Etat Islamique". Le Comité international de la Croix-rouge (CICR) a qualifié la situation humanitaire de "catastrophique" dans ce pays pauvre de la péninsule arabique. "Des dizaines de personnes sont tuées chaque jour. Les hôpitaux ne sont plus en mesure de traiter l'afflux des blessés", a déclaré le chef des opérations pour le Moyen-Orient du CICR, Robert Mardini. Selon un décompte de l'UNICEF, 279 enfants ont été tués et 402 blessés au cours des dix dernières semaines, soit quatre fois plus que pendant toute l'année 2014. Plus de 9 millions d'enfants, sur une population de 26 millions d'habitants, ont besoin d'aide. Par Narimane BELHACENE