Très tôt le matin, Ali Benhadj est venu prêter main forte à la famille expulsée. Femmes et filles en pleurs, jeunes emmenés de force dans des voitures de police, jets de pierre par-dessus les balcons, renforts de la Bmpj et des policiers anti-émeute, la scène redevenue commune, n'était pas à la bonne humeur. Les policiers, venus appliquer une décision de justice, sans cesse retardée, ont eu le mauvais rôle: «Taghout! Tyrans!», «Il vous est facile de maltraiter des femmes seules», et encore : «Quoi? C'est la guerre entre Palestiniens et juifs?». Tous les qualificatifs n'étaient pas assez forts pour ces femmes en pleurs, ni assez expressifs pour insulter les policiers, venus en force, hier matin, pour déloger définitivement des familles qui ont fait l'objet d'une expulsion par voie de justice, à la rue dite l'Appreval, à Kouba. Après avoir réagi au coup de force par une incursion musclée dans la maison pour faire sortir tous les hommes et les embarquer, le responsable de la Bmpj de Maqaria, le commissaire de la Bmpj de Kouba et le chef de la sûreté de daïra essayent de justifier cette intervention musclée: «Nous avons une décision de justice à appliquer et nous l'appliquerons. Nous ne faisons pas cela de bon coeur, mais il faut que la loi soit appliquée avec rigueur, sinon il n'y aurait pas d'Etat...» Le chef de la sûreté de daïra est plus patient avec les femmes expulsées, qui l'entourent, l'insultent de toutes parts: «Vous n'avez pas honte de déloger des femmes à la veille du Ramadan?» «Je vous ai prévenus plusieurs fois et vous ai demandé de prendre vos dispositions. Ecoutez mesdames, je ne suis pas là pour vous faire du tort, mais pour appliquer la loi, c'est tout», rétorque le chef de sûreté de daïra. Les femmes se tournent alors vers un autre policier en civil et reconnaissent leur agresseur: «Te voilà, toi, qui sais si bien frapper les femmes, les brutaliser. Tu paieras tout ce que tu as fait aujourd'hui. Dieu saura venger ces enfants que vous avez fait pleurer.» Le clou de l'événement a été la présence, avant-hier, lors de la première tentative policière de déloger les familles, puis hier tôt le matin, de Ali Benhadj, ex-gourou de la jeunesse islamiste urbaine et n°2 du FIS. A chaque fois il est embarqué et dirigé vers la Sûreté de wilaya d'Alger, mais à chaque fois il semble gagner de nouveaux points en s'alignant du côté des démunis et en se faisant embarquer pour la «bonne cause». Insidieusement, le combat islamistes-aurorités continue encore à sous-tendre des conflits sociaux et des tensions de la rue.