L'expulsion des familles de la route nationale n°1 a été exécutée par la force publique dont l'intervention a dégénéré en des affrontements avec les habitants. L'atmosphère est lourde en cette matinée de dimanche. Le commissaire, les éléments de la brigade antiémeute, les agents de l'ordre public, l'huissier de justice et des représentants de Cosider sont sur place pour suivre le déroulement de l'opération. Sur l'autoroute, des débris de verres témoignent qu'une opposition a eu lieu avant que les éléments de la police aient pu franchir le seuil de la bâtisse. Un vieux nous apprend que les forces de l'ordre étaient là vers huit heures. Au dernier étage du bâtiment, les femmes crient leur colère. Elles finissent par dévaler les escaliers et s'accrocher avec des policiers. Las, ces derniers accusent mal des qualificatifs dont ils font l'objet. “Ils nous ont matraqués et emmenés nos enfants au commissariat. Qu'ont-ils fait de grave sinon que de défendre leur dignité ?” dira une femme en pleurs. Dans la petite cour, des scènes émouvantes font oublier durant quelques instants le problème majeur. Une dame s'évanouit subitement. Un diabétique est au bord de la crise. On appelle la Protection civile pour dépêcher une ambulance. Pendant ce temps, une vieille, aux prises avec l'officier de police, essaie de le convaincre de libérer les hommes emmenés au commissariat. “Ils sont malins ces policiers en agissant dans la diversion. Ils ont embarqué nos enfants pour faire estomper les énergies”, dira un vieillard au regard lointain. Il est vrai qu'à la mi-journée les choses commencent à entrer dans l'ordre à l'exception de cas isolés, tel ce jeune qui tente de faire exploser une bouteille de gaz butane, retenu par les femmes revenues à la réalité après des moments d'euphorie. Une négociation est d'ailleurs improvisée entre l'officier de police et deux représentants des familles. Ces derniers demandent que les policiers se tiennent à l'écart pour laisser les familles faire tranquillement leurs bagages. Cosider tend la main M. Bourahla est responsable de la planification à Cosider. Avec l'huissier de justice, il supervise l'expulsion. “Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous assistons à cet événement. Croyez-moi, que je suis très sensible et surtout peiné par pareilles scènes. Que voulez-vous, c'est une affaire de justice qui traîne depuis dix ans et c'est mon devoir de défendre les intérêts de mon entreprise”, fera-t-il observer. Il nous invite à nous rapprocher de la direction générale pour discuter à bâtons rompus de cette affaire. Sur notre insistance, il explique sur place les grandes lignes qui ont conduit à ce litige. On saura de prime abord que Cosider a acquis ces lieux en 1992 en les achetant aux services des domaines, alors que les familles n'ont aucun acte de propriété. C'est vrai qu'elles ont des attestations d'hébergement, mais c'est du social. Pas plus. Vous devez savoir que les entreprises qui leur délivraient ces attestations (Sonacome, EPI, etc.) le faisaient purement en tenant compte de la situation et de la politique de l'époque, expliquera-t-il. Il précisera au passage que le bâtiment n'était pas agencé pour servir d'habitat, mais ce sont les habitants qui se sont partagés les locaux pour les transformer en logements. M. Bourahla se dit, toutefois, disposé à contribuer à trouver une solution à cette affaire. “Je prends l'engagement personnellement aujourd'hui d'aider ces familles. Cosider peut construire des chalets à leur profit pour peu que la commune nous affecte une assiette de terrain à cet effet”. Nous nous sommes rendus à l'APC de Birkhadem pour leur faire part de cette proposition laquelle semble trouver un écho qu'on pourrait qualifier de favorable, c'est du moins ce que déclare M. Saâdoune, vice-président. “Que les responsables de Cosider se rapprochent de nous. Pour le moment, le chef de l'exécutif est en congé, mais je pense que l'initiative mérite toute l'attention voulue”, déclare-t-il. Espérons que c'est là un premier pas vers le dénouement de cette affaire d'expulsion, car les familles n'ont pas où aller et la rentrée scolaire n'est plus qu'à deux ou trois semaines. A. F.