La ville rebelle est encerclée par l'armée américaine qui se prépare à une offensive terrestre après plusieurs raids meurtriers. Un millier de militaires de la force multinationale secondée par des soldats irakiens ont mis, depuis jeudi, le siège autour de la ville rebelle sunnite de Falloujah, qui tient tête, depuis avril dernier, aux forces d'occupation américaines. «Les forces irakiennes et multinationales ont établi des barrages autour de la ville pour canaliser les forces anti-irakiennes à travers ces points de passage, les identifier et les détenir» a indiqué un porte-arole de l'armée américaine qui a précisé :«L'opération a commencé (...) avec des raids aériens et a continué avec un soutien aérien à des Marines, des soldats et des forces irakiennes au sol». Aussi, cette opération d'encerclement de Falloujah laisse prévoir une vaste offensive terrestre. Falloujah bastion sunnite, à l'ouest de Bagdad, est autonome de fait depuis plusieurs mois par interdiction faite à l'armée américaine et à ses substituts irakiens de pénétrer dans la ville, fief d'une multitude de groupes armés dont les plus connus sont «l'Armée islamique en Irak», responsable de multiples enlèvements d'étrangers, et «Tawhid wal Jihad» de l'islamiste jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui a revendiqué l'exécution de plusieurs otages. De fait, en avril dernier, à la suite du lynchage de quatre américains à Falloujah, l'armée américaine avait lamentablement échoué à réoccuper une ville dirigée, selon les principes de la chari'a, par un conseil de oulémas. Falloujah, -ville peuplée de 200.000 habitants-, se présente ainsi comme un Etat dans l'Etat, échappant, notamment, au contrôle du gouvernement intérimaire irakien du Premier ministre Iyad Allaoui. Ce dernier avait, mercredi, menacé la ville d'une vaste offensive et de représailles si la population ne livrait pas Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui y a établi son quartier général. Ainsi, depuis plusieurs semaines, Falloujah vit sous les raids et bombes larguées par l'aviation américaine, raids aériens qui ont fait des centaines de morts, avec une moyenne de 10 à 15 tués quotidiennement, en majorité parmi la population civile, notamment les enfants et les femmes, principales victimes des bombardements américains, comme le raid, en début de semaine dernière, qui avait ciblé un mariage et avait fait de nombreuses victimes, ou celui visant un restaurant occasionnant là aussi des victimes. Tous ces lieux sont présumés être des refuges aux troupes d'Al-Zarqaoui. Mais ce n'est pas seulement à Falloujah que la situation est précaire, c'est aussi le cas de nombreuses villes irakiennes, notamment la capitale Bagdad, Kirkouk, la grande métropole du nord, ou Baâqouba, où il ne se passe pas de jour sans qu'il soit enregistré soit des attentats suicide, soit des attaques et raids meurtriers de l'armée d'occupation américaine. Comme l'année précédente, ce début de Ramadan en Irak a été particulièrement sanglant avec la mort depuis jeudi de près d'une cinquantaine de personnes dans plusieurs attentats, dont le plus meurtrier a encore une fois ciblé la garde nationale irakienne, alors que la «zone verte», quartier du centre de Bagdad, le plus sécurisé de la capitale, où sont installées notamment les ambassades des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, a connu jeudi deux attentats suicide meurtriers qui se sont soldés par la mort d'une trentaine de personnes. En fait, il devient de plus en plus aléatoire d'établir un bilan chiffré des divers attentats, attribués à la résistance et la guérilla irakiennes d'une part, aux opérations des forces multinationales d'autre part. Ce qui est patent, en revanche, est le fait que le peuple irakien paye quotidiennement le prix fort de l'occupation étrangère. La mort touche aussi les soldats américains dont l'un a succombé hier à ses blessures, suite à l'attaque du 15 octobre, indique un communiqué de l'armée. Ce décès porte à 1084 le nombre de militaires américains tués en Irak depuis l'invasion de mars 2003. Hier, pour la première fois depuis l'occupation américano-britannique, cinq églises ont été l'objet d'attentats à Bagdad, sans cependant qu'il y ait des victimes. Mais c'est là un nouveau palier de la violence qui est ainsi franchi par ces attentats contre des maisons de Dieu. Il faut relever toutefois que l'armée américaine n'a pas hésité pour sa part à bombarder et à détruire plusieurs mosquées en Irak depuis le début de la guerre. Dix-neuf mois après leur arrivée en Irak, les armées d'occupation américaine et britannique n'ont apporté ni la paix, ni la sécurité, ni le bien-être et la démocratie au peuple irakien, qui n'en finit pas, en revanche, de compter ses morts. Et ce deuxième Ramadan sous l'occupation s'annonce aussi sanglant que celui de novembre 2003.