Devant une atmosphère irrespirable à l'intérieur de l'établissement, des centaines de personnes demandent chaque soir pour quelle raison l'esplanade n'était pas exploitée comme à l'accoutumée pour suivre des manifestations artistiques en plein air. «C'est inadmissible! On ne peut pas clôturer les soirées ramadhanesques sans une soirée au moins sur l'esplanade» ont laissé dire les nombreuses familles qui fréquentent régulièrement la Maison de la culture. Tout a commencé le premier vendredi de ce mois sacré quand un groupe de «barbus» connus pour leur tendance salafiste, ont investi l'esplanade de la Maison de la culture, une placette jouxtant la grande mosquée de Béjaïa», pour accomplir leur première prière du vendredi. Une foi leur prière accomplie, ils ont été voir la directrice de cet établissement pour lui signifier leur intention de squatter cette esplanade pour la prière des «tarawihs». Devant le refus catégorique de cette dernière, ils l'ont sommée de ne plus tenir des soirées musicales et autres manifestations artistiques sur cette esplanade en raison du son qui dérange les fidèles de la mosquée. De ce fait, devant la démobilisation de la société civile, malgré les dénonciations et autres condamnations, la direction de la Maison de la culture, se sentant seule, a décidé de surseoir à toute manifestation sur cette place durant les soirées de ce Ramadhan. Seules les réactions de quelques progressistes engagés organisés sous l'égide du Centre de documentation, mais sans impact aucun sur la suite des événements, comme cela a été le cas l'année dernière, sont à signaler. Quant aux artistes, qui se disputent le cachet, dont la chose culturelle ne se limite qu'à ce volet, ils ont montré leurs limites en matière de combat culturel et sociétal. C'est dire que le rôle pondéré des veilleurs de conscience, que jouaient les artistes dans tous les combats, est désormais troqué contre l'argent. Du coup, ce sont les nombreuses familles et les jeunes qui ont payé les pots cassés en assistant à l'ensemble des soirées prévues dans le programme de cette institution culturelle à l'intérieur de la bâtisse, aussi bien à la grande qu'à la petite salle dans une atmosphère insupportable. Les deux salles s'avèrent exiguës chaque soir pour contenir une véritable marée humaine «on ne peut pas interdire l'accès aux familles, même la clim pourtant puissante ne pouvait rien faire. Ce sont des contritions insupportables», nous renseigne la directrice de cet établissement. En effet, le nombre de visiteurs dépassait largement les capacités d'accueil des deux salles de spectacles. Beaucoup ont dû rebrousser chemin, pour la simple raison qu'il était impossible d'y accéder devant une esplanade large et spacieuse qui ne s'est pas arrêtée d'inviter chaque soir le nombreux public à l'investir pour suivre des soirées en plein air. La fuite en avant du premier responsable de la culture qui n'avait pas pris en charge le problème à temps et le laxisme des services de sécurité censés protéger les biens et les personnes dans le cadre des lois de la République, ont fait de sorte de céder ces espaces publics réservés à l'activité culturelle, notamment. Des espaces publics chèrement payés par les combats des militants démocrates. C'est en répondant aux appels incessants d'une partie de la société civile soucieuse de l'avenir des espaces publics devant la menace intégriste que la directrice de cet établissement, dans un sursaut d'orgueil, est sortie de sa réserve, en programmant depuis une semaine des stands de Mobilis avec animation et autres projections de films en attendant le big concert de Boudjemaâ Agraw. En effet, la soirée de ce soir qui clôturera les soirées ramadhanesques sera animée par Boudjemaâ Agraw qui viendra briser le silence, comme un vieux combattant. Boudjemaâ Agraw, ce militant infatigable des causes justes, semble être le dernier Mohican dont ces artistes de circonstances doivent s'inspirer désormais...