La plage de Sousse après le carnage du 27 juin qui fit 38 morts parmi les touristes étrangers Ce débat intervient dans un contexte de menace grandissante après les attaques en juin à Sousse (38 touristes tués) et en mars au musée du Bardo (22 morts, dont 21 touristes), revendiquées par le groupe EI. Le Parlement tunisien a entamé hier trois jours de débats pour adopter une nouvelle loi «antiterroriste», un texte attendu depuis des mois dans un contexte d'attaques sanglantes revendiquées par le groupe Etat islamique mais déjà critiqué par des ONG. Plusieurs versions du projet de loi sur «la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent», réclamé depuis la révolution de 2011, ont été élaborées ces derniers mois, sans être présentées aux députés en séance plénière faute de consensus en vue de son adoption. Le projet présenté hier a fait l'objet d'un accord en commission entre les principaux groupes parlementaires, notamment le parti islamiste Ennahda et le parti Nidaa Tounès du président Béji Caïd Essebsi. Ces deux mouvements ont formé une coalition gouvernementale en début d'année faute de majorité claire à l'issue des législatives de fin 2014. «Ce projet est un des supports parmi d'autres (de la lutte contre la menace jihadiste), c'est un test historique et nous devons gagner», a martelé le député Khaled Chouket (Nidaa Tounès). Plus mesuré, l'élu d'Ennahda, Sahbi Attig a appelé ses collègues à ne pas approuver de mesures trop répressives pour préserver la «transition démocratique» en Tunisie. «Il faut être vigilant afin de ne pas mettre les Tunisiens face à l'injustice», a-t-il dit. Ce texte est appelé à remplacer une loi antiterroriste de 2003, adoptée sous Zine El Abidine Ben Ali et largement utilisée, selon les défenseurs des droits de l'Homme, pour réprimer l'opposition, en particulier le parti Ennahda alors interdit. Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch et Amnesty International, se sont d'ores et déjà inquiétées de mesures liberticides dans la future loi. Le projet de loi «risque de permettre la répression de certains actes qui ne sont pas véritablement de nature terroriste. En effet de simples manifestations pacifiques accompagnées de certains troubles pourraient être qualifiés d'actes de terrorisme», relève, dans une lettre aux députés du 7 juillet, ces organisations. L'élu de gauche (Front populaire, opposition), Ammar Amroussia a d'ailleurs repris cette critique devant ses collègues hier: «nous avons peur que la lutte contre le terrorisme ne se transforme en une lutte contre les mouvements sociaux et populaires». Une autre critique des défenseurs des droits de l'Homme vise le délai de garde à vue de 15 jours sans que le suspect ne soit assisté d'un avocat ou présenté à un juge. Les ONG jugent aussi que le texte peut être interprété de manière «à empêcher les journalistes de recueillir et diffuser des informations (...) relatives à la manière dont les autorités de police respectent les droits fondamentaux». La Tunisie fait figure de modèle de transition démocratique réussi dans le monde arabe depuis sa révolution en janvier 2011, mais elle est confrontée à une menace jihadiste grandissante et à des tensions socio-économiques toujours plus aiguës, si bien que les autorités craignent de voir le pays basculer dans l'instabilité. Le secteur stratégique du tourisme a subi de lourdes pertes depuis les attaques de Sousse et du Bardo, et le gouvernement a multiplié les annonces, avec notamment la mise en place de l'état d'urgence, pour tenter de rassurer les voyageurs et ses partenaires étrangers. Le Royaume-Uni, dont 30 ressortissants sont morts dans l'attaque de Sousse, l'Irlande ou le Danemark ont appelé début juillet à éviter les déplacements en Tunisie en raison du risque d'attentat.