En Tunisie, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), élue il y a trois mois, a accordé sa confiance au nouveau gouvernement, jeudi, dominé par le parti Nidaa Tounès qui dispose de six portefeuilles dont celui des Affaires étrangères. Les membres du gouvernement Essid ont prêté le serment constitutionnel, hier, au palais de Carthage, devant le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Un cabinet proposé par le Premier ministre indépendant Habib Essid. Si Nida Tounes, principal parti du pays, domine le nouveau gouvernement, d'autres formations en font aussi partie, ses alliés de l'Union patriotique libre et d'Afek Tounes mais aussi le parti islamiste Ennahda, à l'autre bout du spectre politique. Un élargissement qui visait justement à obtenir la confiance de l'Assemblée. Ennahda qui a obtenu le portefeuille de l'Emploi et trois secrétariats d'Etat. Les ministères dits de souveraineté ont été confiés à des indépendants. Il s'agit notamment des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de la Justice. Sur 204 élus, seuls 166 l'ont approuvé, 30 députés ont voté contre, 8 se sont abstenus. « Ce gouvernement est celui de l'union nationale et non des calculs politiques », assure le Premier ministre Habib Essid. Contrairement à la première liste dominée par des indépendants, ce cabinet comporte 25 membres de partis et 16 sans étiquette. Mais cela n'a pas suffi à convaincre tous les députés. « Je suis pour le consensus le plus large possible, mais qui dirige ? Je ne trouve pas que Nida Tounes ait le leadership sur ce gouvernement, regrette Khemaïs Ksila, du parti Nida Tounes, qui s'est abstenu de voter la confiance. L'équipe qui a conduit ces négociations a tout raté !». D'autres ont critiqué plus franchement la présence d'Ennahda à la tête d'un ministère et de trois secrétariats d'Etat, aux côtés de Nida Tounes qui avait pourtant fait campagne contre les islamistes. Une situation difficile à expliquer au sein même d'Ennahda, reconnaît une de ses députées, Saïda Ounissi : «Nous avons décidé de voter en bloc pour ce gouvernement-là et nous allons exercer un contrôle sévère. Nous voulons être dans une démarche d'unité nationale, dans une démarche positive de participation et non pas d'alliance.» Le chef du gouvernement a promis de soumettre son bilan à l'Assemblée dès ses 100 premiers jours d'activité. La cérémonie officielle de passation du pouvoir entre M. Essid et l'actuel chef du gouvernement Mehdi Jomaa, chargé de gérer les affaires courantes, doit avoir lieu ce vendredi matin, selon le Premier ministère. M. Essid avait affirmé mercredi devant le Parlement que sa priorité serait la lutte antiterroriste, alors que la Tunisie fait face depuis la révolution à l'essor de groupes jihadistes responsables de la mort de dizaines de policiers et de militaires et de deux figures politiques anti-islamistes. De 2 000 à 3 000 Tunisiens sont par ailleurs partis combattre dans les rangs des islamistes radicaux en Irak et en Syrie. Jeudi, le Premier ministre a affirmé que ses ministres venaient de «presque tous les gouvernorats» de Tunisie et promis qu'ils se rendraient le plus vite possible en province, dans un pays où plusieurs régions se disent négligées depuis des dizaines d'années. Le gouvernement devra s'attaquer au chômage et à la pauvreté qui persistent malgré une révolution largement motivée par la misère et la marginalisation.