La saga de la famille Le Pen est, heureusement, toujours d'actualité pour rompre la monotonie et l'inanité, n'a pas l'alacrité qui veut, de la vie politique française. Le patriarche récalcitrant qui redouble de férocité depuis que sa fille Marine, poussée par des sicaires convaincus que le pouvoir est désormais à portée de main, a tenté de le botter en touche, sous prétexte qu'il porte un préjudice grave au parti avec des propos antisémites «incontrôlés». Inconsolable de haine et d'esprit de revanche, Le Pen l'est assurément. Mais incontrôlable, c'est beaucoup dire et cette accusation fait rire dans leurs chaumières les supposés descendants des Gaulois qui militent activement pour l'éradication des forces d'invasion non européennes et surtout autres que chrétiennes. Cette obsession est un des ciments du Front national dont le leader-fondateur a bâti la stratégie sur des slogans contre l'immigration, en général, et sur une rancoeur contre le judaïsme, en particulier. Au point que sa fille, sitôt parvenue au faîte du parti, n'a pas d'autres priorités que celles qui consistent à rendre cette formation politiquement fréquentable, quitte à endosser la kippa devant le mur des Lamentations - un endroit que Le Pen, père au saint esprit, n'accepterait en aucun cas de visiter, et à préparer le terreau de cette «conversion» historique en se rendant de plus en plus fréquemment aux Etats-Unis, sous des motifs futiles mais utiles. La saga, donc, se poursuit durant l'été. Le Pen canal historique a remporté la troisième manche de son bras de fer avec la fieffée Marine, puisque la cour d'appel de Versailles a confirmé la suspension du Congrès épistolaire par lequel «on» tentait de le mettre au ban de son propre parti. Cette victoire donnera sûrement des ailes au vieux bouc qui n'a plus qu'une idée en tête, avoir la peau de Florian Phillipot, vice-président du FN et surtout âme damnée de Marine qui applique à la lettre les orientations du jeune loup aux dents longues et aux visées acérées comme on a pu s'en rendre compte lors de ses fort nombreux anathèmes contre l'immigration et... l'islam. Etrangement, ce qui est productif de la part de ce triste sire ne l'est plus du tout quand il s'agit du père spirituel du parti et néanmoins procréateur de son ambitieuse présidente. Car que reproche la nouvelle garde au spécialiste des «Durafour crématoire», des «détails» et autres billevesées? Son antisémitisme primaire? Celui-ci est connu depuis des lustres et ne dérange pas plus que son aversion pour l'immigration qui défigure la France gauloise. Tant que son discours consistait à servir de repoussoir anti-droite et tant qu'il ne visait pas l'Elysée, Le Pen pouvait mener sa barque en toute quiétude. Mais c'est lorsque sa véritable conviction s'est manifestée sur l'Irak, puis la Syrie et enfin la Libye qu'il a commencé à déranger certains lobbies et inquiéter leur communauté. Sans aller jusqu'à dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu, celui-ci a pris dans la maison Le Pen à partir du moment où le parti de l'extrême droite a fortement pesé sur les échéances électorales, menaçant de refouler les partis traditionnels de droite comme de gauche à des rôles superfétatoires. Il est vrai qu'il a bénéficié en cela d'une vague de froid extrêmiste qui a déferlé sur toute l'Europe occidentale, notamment en Autriche, en Hollande ou au Danemark. Depuis qu'il a obtenu l'annulation de son exclusion en tant qu'adhérent, Jean Marie Le Pen, 87 ans, rame à contre-courant de la stratégie de «dédiabolisation» du FN menée par sa fille qui ambitionne d'être au rendez-vous de la présidentielle de 2017. Lui n'en a cure et ne craint pas d'affronter les tribunaux pour ses propos acides sur les chambres à gaz, ce détail de l'histoire, et sur la Shoah qui lui valent une citation à comparaître pour «contestation de crimes contre l'humanité». Au final, le feuilleton de la famille Le Pen permet aux autres formations politiques de se remettre de leurs émotions et elles n'en sont pas moins nombreuses et compliquées, même si les causes et les effets sont autres. Bérurier et Frédéric Dard auraient eu une autre «histoire de France» à raconter...