La laïcité de la République française n'est opposable avec intransigeance qu'à la communauté musulmane sommée systématiquement de s'y conformer à chaque fois qu'elle s'estime stigmatisée par des lois et des mesures édictées en vertu de ce principe de laïcité de l'Etat français. La défense de la laïcité en France a pourtant des limites pour ses plus acharnés partisans, comme le prouve le tollé de leur réaction suite à la proposition formulée par Marine Le Pen du vote d'une loi interdisant l'étalage dans la rue de signes ostensiblement religieux. La proposition de Marine Le Pen n'a fait que suggérer d'élargir le champ d'application de la fameuse loi sur le «voile islamique» déjà votée et appliquée en France à l'initiative des défenseurs de la laïcité républicaine. La fille de Jean-Marie Le Pen s'est attirée les foudres indignées de ces derniers en mêlant «voile islamique» et kippa juive sur la liste des signes religieux dont l'étalage public doit être prescrit. Elle n'avait pas soulevé leur ire quand elle pourfendait le seul port du voile par les musulmanes. Ils ne s'étaient pas offusqués de la participation à leurs côtés du FN dans la campagne anti-«voile islamique» qui s'est conclue par l'interdiction de ce dernier dans les lieux publics. Pour avoir cette fois mélangé les genres en mettant sur le même plan le «voile islamique» et la kippa juive, elle se voit accusée d'être une intégriste et sa défense de la laïcité déclarée xénophobe et donc condamnable. En fait, Marine Le Pen est coupable à leurs yeux d'avoir mis à nu les ressorts islamophobes de leur croisade contre les signes religieux. Tant que Marine Le Pen s'en est tenue au seul registre de la stigmatisation des atteintes à la laïcité que représentaient les signes et pratiques religieux des musulmans, ses délires n'ont ni choqué ni indigné. L'islamophobie en France n'est pas un crime qui vaut condamnation sans appel à ceux la professent. Elle s'exprime librement et ses propagateurs défendus au nom de la sacro-sainte «liberté d'expression». En revanche, le moindre soupçon de soupçon de judéophobie provoque la levée de boucliers contre celui ou celle dont le propos en apparaît teinté. C'est ce dont Marine Le Pen est accusée après avoir fait référence à la kippa dans sa proposition d'une loi sur les signes religieux. Pourfendre, stigmatiser, provoquer les musulmans, s'excuse et se défend dans l'Hexagone, s'en prendre aux juifs et au judaïsme, voilà le crime absolu, intolérable dont les auteurs s'exposent aux pires représailles dont celles de se voir interdits d'expression dans le pays de la liberté d'expression. Marine Le Pen n'a surpris avec sa sortie sur la kippa que ceux qui faisaient semblant de croire qu'elle avait jeté aux orties les fondamentaux raciste, antisémite et xénophobe que son père a donnés au parti qu'elle préside maintenant. Elle a bénéficié de leur compréhension tant qu'elle s'en est tenue à la stigmatisation des seuls musulmans et de leur religion. Mieux, elle a fait des émules en la matière au sein de tous les courants politiques français qui se sont essayés à lui ravir ce fonds de commerce électoralement rentable. Marine Le Pen a mis au pied du mur les défenseurs purs et durs de la laïcité en les mettant devant l'alternative soit d'admettre que leur combat contre les signes religieux n'est mené que contre ceux qui singularisent les musulmans, soit d'admettre qu'il englobe ceux des autres religions et donc que la kippa en est un judaïque que la loi laïque doit en interdire l'étalage dans la rue au même titre que le «voile islamique». Pour les avoir acculés à se démasquer, Marine Le Pen - ne rions pas - mérite d'être félicitée.