Parler de Bab El-Louz, c'est indubitablement remonter dans le temps pour atterrir à l'époque turque et retrouver les traces d'un passé riche et mouvementé. Bab El-Louz, pour ceux qui ne le savent pas, est situé sur les hauteurs du vieux Bougie, au nord de Bab El-Fouka (ou Bab El-Bennoud) et du marché Philippe. Il est mitoyen à la mosquée de Sidi Essoufi et au marché turc (la placette) qui recèlent à eux seuls plus d'un secret. Une odeur de café mêlée aux senteurs de jasmin, mesk et autres plantes vous attirent dès que vous mettez le pied sur la première marche d'escaliers qui mène jusqu'aux remparts et plus bas, jusqu'à l'hôpital Frantz Fanon. La plupart des bâtisses de cette «Houma» fort connue, sont construites dans le style ancien, ce qui vous fera penser à la Casbah d'Alger. En effet, l'architecture turque toute en dalles, mosaïques et arabesques, reflète toujours cet air nostalgie des temps anciens. Les portes en arcades et les terrasses alourdies de plantes grimpantes et de vignes, attestent d'une culture ancrée dans les pages historiques de la ville. A notre arrivée sur les lieux, nous serons accueillis par les cris joyeux des enfants d'une école primaire qui jouaient à cache-cache devant le portail de l'établissement. Un peu plus loin, quelques femmes regroupées devant le seuil d'une porte faisaient un brin de causette. Une vieille femme pliée sous le poids d'un couffin trop lourd pour ses frêles épaules, s'arrêtera un moment pour souffler. Elle en profitera pour souhaiter le bonsoir aux voisines rencontrées sur les lieux. Comme au bon vieux temps, quelques hommes en bleu de Chine et béret basque, descendant des hauteurs du quartier, se dirigeaient vers les cafés de la placette où les attendait la partie de belote entamée la veille et non encore terminée. Nous continuons notre virée à travers ces ruelles, plusieurs fois centenaires. Une odeur de couscous vient nous titiller les narines. Et soudain des youyous fusèrent d'une courette. Aucun doute, une fête se prépare, en témoignent les guirlandes d'ampoules multicolores et cet air de fête qui rehausse l'atmosphère tout en lui donnant le cachet des grands jours. Du chaâbi s'échappait d'une fenêtre tandis qu'un vendeur de sardines mêlait ses cris à la symphonie coutumière et quotidienne du quartier. Bab El-Louz même en ruine, garde toute sa splendeur. C'est un peu ce genre de quartiers qui embellissent en vieillissant et gardent ce charme fou qu'ils s'amusent à vous balancer tout en vous narguant du haut de leurs escaliers fort élevés. Hélas ! Telle une verrue sur un beau visage, les dépôts d'ordures et autres déchets vous sautent aux yeux en même temps et vous brouille la vue, dénonçant un laisser-aller des plus flagrants. Quelques maisons lézardées menacent de s'effondrer d'un moment à l'autre, tandis que d'autres exhibent leurs ruines. Plusieurs poubelles renversées et des sachets éventrés, jonchent la chaussée. C'est à se demander si un agent d'entretien passe par là de temps à autre. Au milieu de ces détritus et de ce désolant spectacle, des chérubins pas plus haut que trois pommes, donnent des coups de pieds rageurs dans un semblant de ballon en chiffon. «Bab El-Louz, ya hassra! nous dira un vieil homme nostalgique rencontré sur les lieux... rares sont ceux qui l'ont connu tel qu'il était il y a une cinquantaine d'années quand les Béjaouis natifs de ces lieux faisaient des envieux. Bab El-Louz était alors réputé par ses «kaâdates» et «hattates»...c'était l'époque du chaâbi séculaire et du café «loudjak» liquéfié à travers une feuille de «massa» (pelure). C'était le temps des «ouled el houma» qui après une longue journée de travail se retrouvaient pour palabrer au seuil de la mosquée avant la prière du maghreb...Bab El-Louz, ya hassra!». pourtant, il aurait suffi d'un peu de volonté de la part des autorités locales, pour redonner à ce quartier son cachet authentique et sa splendeur d'antan, ce qui ne fera qu'attirer davantage les visiteurs et les curieux...et bien sûr, les nostalgiques d'outre-mer qui reviennent chaque année se retremper dans l'ambiance ancienne de leur houma. Auprès de Bab El-Louz, Béjaïa cache encore en son sein d'autres vieux quartiers, plus beaux les uns que les autres, mais délaissés, désertés et totalement oubliés. Il va sans dire que la vieille ville de Béjaïa, est en elle-même un véritable musée à ciel ouvert, amalgamée à plus d'une légende et pétrie de proverbes populaires. Alors Bab El-Louz ou ailleurs...ya hassra!