Cinquante ans après l'indépendance, «nous trouvons toujours les mêmes difficultés à réunir les conditions d'un dialogue objectif avec la France» précise le président du HCI. «Dialogue des civilisations et tolérance des religions», c'est le thème d'une conférence-débat animée mercredi soir par le président du Haut conseil islamique, le docteur Cheikh Bouaâmrane et Monseigneur Henri Tessier, à la Bibliothèque nationale d'Algérie, à El Hamma. Quel rôle pour les hommes de religion et les intellectuels dans ce processus? Quelle place doivent occuper les politiques? Et comment dépasser l'abstraction des discours et des livres pour concrétiser le dialogue dans notre vie quotidienne? Trois principales problématiques sur lesquelles s'est centré le débat. D'entrée de jeu, Cheikh Bouaâmrane a tenu à orienter la conférence vers le dialogue franco-algérien durant le colonialisme, précisant dans ce sens qu'à l'époque, «nous avions des difficultés à dialoguer parce que l'environnement était hostile à tout rapprochement entre les différentes populations, chrétienne, musulmane et à moindre degré, juive». La responsabilité incombait en premier lieu aux autorités françaises. «L'hostilité n'était que le résultat d'une politique discriminatoire à l'égard des Algériens ou tout simplement contre les musulmans», précise le président du HCI. Ce dernier ajoute que «la France se délaissait exceptionnellement de son principe le plus cher, la laïcité, pour s'immiscer dans la vie des musulmans, en contrôlant les mosquée et les écoles, en nommant les imams, au moment où les églises chrétiennes et les synagogues juives exerçaient en totale indépendance par rapport aux institutions politiques». «Face à cette relation de dominance, d'oppression, et de marginalisation, le dialogue entre les deux religions n'avait aucune chance d'aboutir» précise-t-il. «La poignée de chrétiens qui croyaient à notre indépendance et à notre existence, ne pouvaient changer les choses». Cinquante ans après l'indépendance, la situation ne semble pas connaître une amélioration sensible. «Avec la France, nous trouvons aujourd'hui les mêmes entraves à réunir les conditions d'un dialogue objectif et responsable». Cinquante ans après, Cheikh Bouaâmrane reconnaît la complexité de concrétiser ce dialogue. Sur quelle base le ferons- nous? Sommes- nous en mesure de tourner la page? s'interroge-t-il. Pour le deuxième volet de la question, le conférencier est ferme. «Il sera extrêmement difficile pour nous, la génération qui a combattu la France d'oublier . Il faudra attendre peut-être que nous quittions cette terre pour amorcer ce processus de dialogue», ironise-t-il. Henri Tessier a voulu quant à lui mettre en exergue les aspects positifs dans les relations bilatérales. Citant les positions «courageuses du cardinal Duval, Louis Massignon et bien d'autres, qui avaient défendu coeur et âme la cause du peuple algérien». La France selon le conférencier, est prête à ouvrir une nouvelle page dans sa relation avec les Algériens en particulier et les musulmans en général. Citant au passage l'initiative de l'Archevêque de Lyon, lequel «m'a sollicité pour donner une conférence sur la vie de L'Emir Abdelkader à l'occasion du 150e anniversaire de son passage dans cette ville». «Je suis persuadé que quelques années auparavant, l'archevêque de Lyon ne m'aurait jamais fait cette proposition». Les attentats du 11 septembre, qui ont plongé le mode dans un climat d'insécurité et de terreur, ont contribué néanmoins à alerter et la société civile et les intellectuels à l'opportunité de s'ouvrir sur l'autre, «de le connaître, de le comprendre, pour enfin mieux coopérer avec lui». «Notre interlocuteur ne doit pas être cette proie à mettre dans notre camp, mais il est tout simplement cet être humain qu'il faut apprendre à respecter», atteste Henri Tessier, autrement dit, souligne-t-il les conférenciers reconnaissent, que les politiques jouent un rôle négatif dans ce processus de rapprochement, appuyé «malheureusement» par un courant religieux extrémiste, qui a prouvé son influence et son pouvoir sur les cercles de décision aux Etats -Unis, et ce, dans la guerre déclenchée contre l'Irak «Ce n'est pas une guerre entre deux religions, preuve en est, les manifestations de protestation organisées dans plusieurs pays ayant pris part à cette guerre en Espagne, au Royaume-Uni, etc...». De l'avis de Cheikh Bouaâmrane, le premier pas à faire dans le processus du dialogue entre les civilisations, «c'est la définition des concepts » pour « corriger cette image, sciemment déformée de l'Islam».