«S'il n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer.» Les auditions des ministres par le chef de l'Etat, ne sont pas le prélude à un remaniement profond du gouvernement, indiquent des sources sûres. Ces dernières précisent que l'ossature actuelle de l'Exécutif et les missions qui lui sont confiées par le chef de l'Etat sont encore d'actualité. On affirme également de mêmes sources que Ouyahia jouit toujours de la confiance de Bouteflika. Les raisons de l'attitude présidentielle tient essentiellement dit-on, à l'efficacité de l'homme amené à gérer des dossiers très sensibles, à l'image de celui des privatisations. Et pour cause, dans le communiqué annonçant la nomination d'Ahmed Ouyahia en tant que chef du gouvernement, l'on lit que le choix du chef de l'Etat est surtout basé sur le fait que l'homme «a déjà acquis une expérience très utile pour la gestion du pays dans ses différentes responsabilités et, en particulier, à la tête du gouvernement». Le chef de l'Etat qui avait à l'époque plusieurs fers au feu, avait effectivement besoin, à ses côtés, d'une personnalité politique rompue aux affaires du sérail, tout en étant à même de gérer les situations les plus sensibles. Bouteflika ne s'est pas trompé dans son évaluation des capacités de son chef du gouvernement dans la gestion des affaires les plus délicates. Et pour preuve, Ouyahia a su conduire deux dossiers explosifs que sont le séisme de Boumerdès et le dialogue avec les archs. La façon de conduire ces deux dossiers ont évité à l'Algérie des dérives dangereuses pour la stabilité du pays. L'on craignait en effet, pour le premier, une récupération politicienne du sinistre par la mouvance islamiste et pour le second, une montée d'un courant autonomiste en Kabylie. Certes, pour ces deux cas de figure, le chef du gouvernement a été «épaulé» par la conscience nationale de la société, mais il y a lieu de reconnaître qu'il a su tirer profit de ce sentiment pour «désamorcer» les deux bombes. Cela dit, autant Ouyahia fait preuve d'un certain génie dans des négociations et autres situations complexes, autant il lui arrive de frapper sans prévenir et surtout sans état d'âme, lorsqu'il estime que la situation l'exige. Il en a été ainsi dans les années 1990 où d'autorité, il a pratiqué des ponctions sur les salaires des travailleurs de la fonction publique et mis plusieurs centaines de milliers de travailleurs au chômage avec la dissolution de près d'un millier d'entreprises publiques. Des actions qui avaient à l'époque monté l'opinion contre lui et qui sont toujours évoquées par ses adversaires, comme pour lui rappeler les décisions impopulaires qu'il a prises et qui, dit-on, sont à l'origine de la paupérisation de franges entières de la population. Cependant, beaucoup d'observateurs reconnaissent la difficulté de la situation socio-économique de l'époque qui a poussé le chef du gouvernement à trancher dans le vif. En d'autres termes, à l'exception de l'opposition politique, les acteurs de la société convergent dans leurs analyses sur la nécessité de mesures très difficilement acceptables par le commun des Algériens, dans le but de sauver de ce que pouvait l'être de l'Etat qui traversait une période, de loin, la plus critique de son histoire depuis l'indépendance du pays. La difficulté dans pareille situation est de trouver l'homme qui ose prendre des décisions très impopulaires et les assumer en tant qu'actions de sauvegarde de la nation. Un observateur averti de la scène nationale a même déclaré, à ce propos, que «si Ouyahia n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer», pour donner ses chances à l'Algérie de sortir sans trop de casse de la grave crise qu'elle a vécue. Ce même observateur rappelle la situation financière et l'isolement politique sans précédent, dans lesquels se trouvait le pays, pour situer l'importance des années qu'Ouyahia a passées à la tête d'un Exécutif qui «devait affronter les pires problèmes à mains nues». Occasion de relever l'importance historique de certaines décisions qui ont permis à l'Algérie de découvrir un homme d'Etat qui a cru, dans les moments les plus difficiles, à la pérennité de l'Etat, mais surtout à la grandeur d'une nation naissante. En fait, dans l'histoire de toutes les nations, il est des moments comparables à celui traversé par l'Algérie durant les années 1990 et qui sont autant d'épreuves pour les peuples. De retour aux affaires, Ouyahia a eu à affronter d'autres crises où il a fait montre de diplomatie dans certains cas, notamment dans le cadre du dialogue social avec l'Ugta, et de fermeté dans d'autres, à l'image de la grève des enseignants du secondaire qui l'a vu menacer pas moins de 50.000 travailleurs de licenciement pur et simple. Présentement, il prend à bras-le-corps, le dossier des privatisations des entreprises publiques, en attendant, sans doute de ressortir la loi sur les hydrocarbures, dont il soutient le principe. Enfin, le chef du gouvernement n'a pas réussi à mener toutes les actions comme il aurait souhaité, mais il y a lieu de souligner son tempérament d'homme d'action qui sait défendre ses positions jusqu'au bout. Il a perdu certaines batailles, mais il a su prouver des capacités hors du commun en matière de fermeté, lorsque la situation l'exigeait.