Une ambiance morose entre Poutine et Obama Erdogan s'est rendu au Parlement de Strasbourg, voici quatre jours à peine, pour y obtenir un appui à sa revendication d'une zone d'exclusion... en territoire syrien. Une semaine, jour pour jour, après le début de ses opérations de bombardement des positions de l'Etat islamique en Syrie, la Russie qui est intervenue à la demande officielle du gouvernement de Damas a étendu hier son champ d'action à Palmyre où des frappes ont visé les casemates du groupe terroriste. En effet, les forces aériennes russes ont effectué pour la première fois des attaques aériennes contre les positions de Daesh/EI dans et autour de Palmyre. Dans la nuit de lundi et mardi, ce sont 30 raids qui ont visé cette zone où l'EI sévit avec une grande brutalité, s'attaquant à des vestiges immémoriaux. Les frappes russes ont causé 15 morts dans les rangs de l'organisation terroriste, selon une ONG syrienne. Le ministère de la Défense russe a confirmé que la totalité de ces attaques contre des positions de Daesh/EI, ont eu pour effet de détruire des postes de commandement, notamment dans la province d'Alep, une vingtaine de chars et deux entrepôts de munitions dans l'est de la province de Homs ainsi que 30 voitures et véhicules blindés dans la province d'Idleb. Après de vives critiques sur les cibles visées, dés le commencement des opérations russes, les pays occidentaux et tout particulièrement les Etats-Unis et la France ont accusé Moscou de bombarder l'opposition au régime de Bachar Al Assad au lieu de s'attaquer à l'EI, mais très vite l'évidence a prévalu sur des assertions d'autant plus fantaisistes que leurs auteurs semblaient ignorer que les rebelles pour lesquels ils versent des larmes de crocodiles ne sont, ni plus ni moins, que les éléments d'Al Nosra, branche syrienne d'El Qaîda. Qu'à cela ne tienne, d'autres motifs sont invoqués depuis hier, avec une réaction turque, largement amplifiée par l'Otan qui avertit des conséquences imprévisibles de ces incidents, Ankara affirmant que ses avions ont été à deux reprises «effrayés» par un Mig 29 dont les pilotes turcs ne sont pas parvenus à fixer l'identité. Quand on sait que Erdogan s'est rendu au Parlement de Strasbourg, voici quatre jours à peine, pour y obtenir un appui à sa revendication d'une zone d'exclusion en territoire syrien, façon comme une autre, de porter froidement atteinte à l'intégrité de ce pays ainsi qu'à sa souveraineté, on comprend le jeu de «je te tiens, tu me tiens par la barbichette» auquel s'adonnent les diverses composantes de l'Otan et de la coalition internationale, d'une part, et le triumvirat Russie, Iran, Syrie d'autre part. En somme, la multiplication des griefs et des mises en garde occidentalo-turcs consiste à tenter de freiner, dans la mesure du possible, les opérations russes qui commencent à semer la panique dans les rangs des différents groupes terroristes qui font régner la terreur depuis quatre ans, au moins, en Syrie, mais la détermination de Vladimir Poutine transcende ces cris de vierge effarouchée et témoigne de la volonté du nouveau tsar de ne plus céder un pouce de sa zone d'influence traditionnelle. Sinon, il compromettrait l'existence même de la base maritime de Tartous et celle de la nouvelle base aérienne de Lattaquié. Droit dans ses bottes, Vladimir Poutine et son état-major ont vraisemblablement anticipé les divers scénarii d'une intervention devenue urgente et nécessaire et il y a fort à parier que les accusations de l'Otan et de la coalition ne changeront pas grand-chose à la dynamique enclenchée, surtout que des centaines de jeunes Russes ont manifesté leur désir de rejoindre, en qualité de volontaires, les troupes syriennes pour combattre l'EI et les autres groupes terroristes, une option que le gouvernement russe a évidemment écartée sine die. Quel que soit le niveau des tensions actuelles et futures sur un front, tensions dont on devine qu'elles vont sans doute s'exacerber au cours des prochains jours, la reconfiguration de la donne a bel et bien commencé.