Ostracisé durant longtemps, le patronat redevient objet d'intérêt en ces temps de vaches maigres. D'un simple faire-valoir, il se transforme en partenaire incontournable du gouvernement. Le gouvernement se fait des soucis, les travailleurs ont peur et à ces deux, les patrons, ambitieux, tendent leurs mains. Une tripartite regroupant le gouvernement, l'Ugta et les patrons va se tenir demain à Biskra. L'endroit est spécial, puisque c'est la première fois que cette ville accueille une rencontre d'une telle importance, mais aussi parce que les patrons, jusque-là perçus comme des «défenseurs d'intérêts corporatistes», sont invités en véritables partenaires. En effet, de part et d'autre, notamment côté chefs d'entreprise, il est attendu que la tripartite soit un grand rendez-vous au cours duquel des questions importantes seront soulevées et des décisions de taille prises. Pour le Forum des chefs d'entreprise (FCE), cette tripartite constitue «une rencontre extrêmement importante dans le contexte d'une situation économique et financière difficile qui impose un dialogue, un rapprochement et un consensus entre les autorités, le patronat et le syndicat sur les réformes structurelles à engager afin d'assurer une transition économique», a déclaré Salah-Eddine Abdessemed, vice-président de l'organisation. Au niveau politique, il existe une volonté qui a montré le cap de cette transition à travers le Pacte économique et social de croissance de 2013, mais les engagements des trois parties n'ont pas pu créer beaucoup d'entreprises pour affronter la crise actuelle du fait de la non-application de toutes les décisions», soutient-il également tout en insistant sur l'importance d'une «confiance durable» entre toutes les parties pour atteindre l'objectif escompté. La Confédération nationale du patronat algérien (Cnpa) relève également l'importance de la prochaine réunion de la tripartite qui intervient dans un contexte où les défis grandissent chaque jour un peu plus. Néanmoins, le président de cette association, Mohamed Saïd Naït Abdelaziz, considère que la sortie de cette crise nécessite la mobilisation de toutes les parties qui doivent dégager de la tripartite un «consensus» sur la démarche à entreprendre et une «vision claire» sur les perspectives à court et moyen terme. D'où l'importance, selon lui, d'appliquer effectivement les décisions qui ont été prises dans le cadre des tripartites précédentes ainsi que les dispositions du Pacte économique et social scellé en 2013. De plus, désigné pour parler au nom du patronat lors de la tripartite, Mohamed Saïd Naït Abdelaziz considère que le plus important pour le patronat est de «savoir et pouvoir accompagner les pouvoirs publics en cette période de crise». «Le gouvernement a anticipé à travers la prise de plusieurs décisions en faveur de l'entreprise et son émergence. Tout cela fait que le patronat est, aujourd'hui, prêt à être un partenaire de qualité car l'enjeu de cette rencontre est de rétablir la confiance entre le gouvernement, le patronat, le travailleur et la Centrale syndicale. La preuve de l'existence et de la solidité de la relation qui lie ces partenaires existe à travers l'instauration d'un dialogue social depuis une dizaine d'années.Un dialogue permanent et porteur qui a donné des résultats sur le terrain. Mais aujourd'hui on a besoin, plus que jamais, de faire preuve d'un bon esprit patriotique pour sauver l'Algérie. Ce qui est certain, c'est que le patronat est déterminé à être derrière le gouvernement pour le soutenir dans cette période difficile», a-t-il expliqué. M. Naït Abdelaziz a également insisté sur le fait que «la tripartite du 14 octobre prochain à Biskra ne va pas ressembler aux précédentes». Même son de cloche de la part de la Confédération algérienne du patronat (CAP) qui réclame aussi l'application des décisions prises et les engagements de toutes les parties, notamment ceux contenus dans le Pacte économique et social de croissance. «En Algérie, nous avons un bon nombre de dispositions légales et réglementaires mais au niveau de leur mise en oeuvre, ça ne fonctionne pas», estime le président de cette organisation, Boualem M'rakech. La Confédération générale du patronat algérien (Cgea), de son côté, avec son président, Habib Yousfi, a appelé à une «relation de confiance» entre le gouvernement et le patronat comme condition de réussite de toute stratégie économique. Néanmoins, en plus de ces déclarations plutôt d'essence politique et visant à préparer le terrain pour une meilleure attaque dans les pourparlers qu'ils auront avec le gouvernement et l'Ugta, les patrons, notamment ceux du FCE, ne comptent pas remuer d'une main molle la sauce économique nationale. S'étant distingué par des propositions très audacieuses ces derniers temps, le Forum des chefs d'entreprise envisage de frapper fort sur la table. «Nous allons réitérer les propositions contenues dans le plaidoyer que nous avons remis au gouvernement. Il est temps qu'on ait une politique économique claire, cohérente et stable», nous a déclaré Brahim Benabdesslam, vice-président du FCE lors de l'université d'été de cette organisation qui s'est tenue récemment à Tlemcen. En effet, toutes les revendications du FCE seront remises sur la table et d'une façon solennelle car la situation est telle que nulle perte de temps n'est permise, faute de quoi l'avenir du pays serait compromis. La libération de l'acte d'investir en ouvrant «effectivement» aux investisseurs nationaux tous les secteurs d'activité, la réforme profonde de l'administration économique, la réforme de la fiscalité, les mesures visant à encourager la production nationale, la préférence nationale, etc... sont donc autant de sujets qui seront soulevés par le FCE lors de cette tripartite. La lune de miel annoncée entre le gouvernement et le patronat aura-t-elle lieu? Le gouvernement va-t-il souscrire aux recommandations du FCE et des autres associations patronales qui gravitent autour de lui? Tout porte à le croire d'autant plus que les travailleurs qui, seuls, pouvaient gâcher la fête jusque -là, viennent d'être gratifiés d'un bon cadeau de la présidence de la République: l'augmentation des transfert sociaux.